Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Maintenant, attention, je vous prie,

Par saint Gilles ! par sainte Charité !
Arrière ! ah ! fi ! quelle honte !
Tous les jeunes gens font ça quand ils en viennent là !
Par Priape, ils sont à blâmer.

Avant de me chiffonner, dit-elle,
Vous me promîtes de m’épouser,
— C’est ce que j’aurais fait, par ce soleil, là-bas,
Si tu n’étais venue dans mon lit[1].

Sur ce, que Dieu soit avec vous tous ! Adieu, mesdames. — Adieu, mon amour.

Sort Ofélia.
LÉARTES.

Douleur sur douleur ! mon père assassiné, — ma sœur ainsi rendue folle ! — Maudite soit l’âme qui a fait cette criminelle action !

LE ROI.

Ayez un peu de patience, bon Léartes. — Je sais que votre douleur est un torrent — qui déborde de chagrins, mais attendez un peu, — et pensez que déjà vous êtes vengé — de celui qui a fait de vous un fils si malheureux.

LÉARTES.

Vous m’avez décidé, monseigneur. J’essaierai quelque temps — d’enterrer mon désespoir dans la tombe de ma colère ; — mais une fois qu’elle sera ressuscitée, le monde apprendra — que Léartes avait un père qu’il adorait.

  1. Ofélia, devenue folle, chante deux chansons, l’une funèbre, l’autre érotique, qui semblent exprimer sa double douleur de fille orpheline et d’amoureuse délaissée. Dans le premier Hamiet, Ofélia chante ces deux chansons tout entières, l’une après l’autre ; dans le second Hamlet, elle en mêle les complets et confond les deux airs, comme si elle confondait les deux malheurs. Ce désordre est l’œuvre d’un correcteur magistral.