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JULES CÉSAR.

sius ! Pindarus fuira si loin de ces contrées que jamais Romain ne pourra le reconnaître.

(Il sort.)
(Rentrent Titinius et Messala.)

messala. — Ce n’est qu’un échange, Titinius ; car Octave est renversé par l’effort du noble Brutus, comme les légions de Cassius le sont par Antoine.

titinius. — Ces nouvelles vont bien consoler Cassius.

messala. — Où l’avez-vous laissé ?

titinius. — Tout désespéré, avec son esclave Pindarus, ici, sur cette colline.

messala. — N’est-ce point lui qui est couché sur l’herbe ?

titinius. — Il n’est pas couché comme un homme vivant. — Oh ! mon cœur frémit !

messala. — N’est-ce pas lui ?

titinius. — Non, ce fut lui, Messala ! Cassius n’est plus ! Ô soleil couchant, de même que tu descends dans la nuit au milieu de tes rayons rougeâtres, de même le jour de Cassius s’est couché rougi de sang. Le soleil de Rome est couché, notre jour est fini : viennent les nuages, les vapeurs de la nuit, les dangers ; notre tâche est faite. C’est la crainte que je ne pusse réussir qui l’a conduit à cette action.

messala. — C’est la crainte de ne pas réussir qui l’a conduit à cette action. Ô détestable erreur, fille de la mélancolie, pourquoi montres-tu à la vive imagination des hommes des choses qui ne sont pas ? Ô erreur si promptement conçue, tu n’arrives jamais à une heureuse naissance ; mais tu donnes la mort à la mère qui t’engendra.

titinius. — Holà, Pindarus ! Pindarus, où es-tu ?

messala. — Cherchez-le, Titinius, tandis que je vais au-devant du noble Brutus, foudroyer son oreille de cette nouvelle. Je puis bien dire foudroyer, car l’acier perçant et les flèches empoisonnées seraient aussi bien reçues de Brutus que le récit de ce que nous venons de voir.

titinius. — Hâtez-vous, Messala ; et moi pendant ce temps je chercherai Pindarus. (Messala sort.) Pourquoi m’avais-tu envoyé loin de toi, brave Cassius ? N’ai-je