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ACTE II, SCÈNE III.

le serviteur. — Mon seigneur ?

césar. — Va, commande aux prêtres d’offrir à l’instant un sacrifice, et reviens m’apprendre quel succès ils en augurent.

le serviteur. — J’y vais, mon seigneur.

(Il sort.)
(Entre Calphurnia.)

calphurnia. — Que prétendez-vous, César ? Penseriez-vous à sortir ? vous ne sortirez point aujourd’hui de chez vous.

césar. — César sortira. Les choses qui m’ont menacé ne m’ont jamais regardé que de dos : dès qu’elles apercevront le visage de César, elles s’évanouiront.

calphurnia. — César, jamais je ne me suis arrêtée aux présages ; mais aujourd’hui ils m’épouvantent. Sans parler de tout ce que nous avons entendu et vu, il y a de l’autre côté un homme qui raconte d’horribles phénomènes vus par les gardes. Une lionne a fait ses petits au milieu des rues ; la bouche des sépulcres s’est ouverte et a laissé échapper leurs morts ; de terribles guerriers de feu combattaient sur les nuages, en lignes, en escadrons, et avec toute la régularité de la guerre ; il en pleuvait du sang sur le Capitole ; le choc de la bataille retentissait dans les airs ; on entendait les hennissements des coursiers et les gémissements des mourants, et des spectres ont poussé le long des rues des cris aigus et lamentables ! Ô César, ces présages sont inouïs, et je les redoute.

césar. — Que peut-on éviter de ce qui est décrété par les puissants dieux ? César sortira, car ces présages s’adressent au monde entier autant qu’à César.

calphurnia. — Quand il meurt des mendiants, on ne voit pas des comètes mais les cieux mêmes signalent par leurs feux la mort des princes.

césar. — Les lâches meurent plusieurs fois avant leur mort, le brave ne goûte jamais la mort qu’une fois. De tous les prodiges dont j’aie encore ouï parler, le plus étrange pour moi, c’est que les hommes puissent sentir la crainte, voyant que la mort, fin nécessaire, arrivera