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ses droits sur moi, m’a appelé Dromio, a juré que j’étais fiancé avec elle, m’a dit quelles marques particulières j’avais sur le corps, par exemple, la tache que j’ai sur l’épaule, le signe que j’ai au cou, le gros porreau que j’ai au bras gauche, si bien que, confondu d’étonnement, je me suis enfui loin d’elle comme d’une sorcière. Et je crois que, si mon sein n’avait pas été rempli de foi, et mon cœur d’acier, elle m’aurait métamorphosé en roquet, et m’aurait fait tourner le tournebroche.

ANTIPHOLUS.—Va, pars sur-le-champ ; cours au grand chemin : si le vent souffle quelque peu du rivage, je ne veux pas passer la nuit dans cette ville. Si tu trouves quelque barque qui mette à la voile, reviens au marché, où je me promènerai jusqu’à ce que tu m’y rejoignes. Si tout le monde nous connaît, et que nous ne connaissions personne, il est temps, à mon avis, de plier bagage et de partir.

DROMIO.—Comme un homme fuirait un ours pour sauver sa vie, je fuis, moi, celle qui prétend devenir ma femme.

ANTIPHOLUS.—Il n’y a que des sorcières qui habitent ce pays-ci, et en conséquence il est grand temps que je m’en aille. Celle qui m’appelle son mari, mon cœur l’abhorre pour épouse ; mais sa charmante sœur possède des grâces ravissantes et souveraines ; son air et ses discours sont si enchanteurs que j’en suis presque devenu parjure à moi-même. Mais, pour ne pas me rendre coupable d’un outrage contre moi-même, je boucherai mes oreilles aux chants de la sirène.

(Entre Angelo.)

ANGELO.—Monsieur Antipholus ?

ANTIPHOLUS.—Oui, c’est LA mon nom.

ANGELO.—Je le sais bien, monsieur. Tenez, voilà la chaîne. Je croyais vous trouver au Porc-Épic : la chaîne n’était pas encore finie ; c’est ce qui m’a retardé si longtemps.

ANTIPHOLUS.—Que voulez-vous que je fasse de cela ?

ANGELO.—Ce qu’il vous plaira, monsieur ; je l’ai faite pour vous.