ANTIPHOLUS.—Tu es Dromio, tu es mon valet ; tu es toi-même.
DROMIO.—Je suis un âne, je suis le valet d’une femme, et avec tout cela, moi.
ANTIPHOLUS.—Comment, le valet d’une femme ? Et comment, toi ?
DROMIO.—Ma foi, monsieur, outre que je suis moi, j’appartiens encore à une femme ; à une femme qui me revendique, à une femme qui me pourchasse, à une femme qui veut m’avoir.
ANTIPHOLUS.—Quels droits fait-elle valoir sur toi ?
DROMIO.—Eh ! monsieur, le droit que vous réclameriez sur votre cheval ; elle prétend me posséder comme une bête de somme : non pas que, si j’étais une bête, elle voulût m’avoir : mais c’est elle qui, étant une créature fort bestiale, prétend avoir des droits sur moi.
ANTIPHOLUS.—Qui est-elle ?
DROMIO.—Un corps fort respectable : oui, une femme dont un homme ne peut parler sans dire : sauf votre respect. Je n’ai qu’un assez maigre bonheur dans cette union, et cependant c’est un mariage merveilleusement gras.
ANTIPHOLUS.—Que veux-tu dire, un mariage merveilleusement gras ?
DROMIO.—Hé ! oui, monsieur : c’est la fille de cuisine, elle est toute pleine de graisse : et je ne sais trop qu’en faire, à moins que ce ne soit une lampe, pour me sauver loin d’elle à sa propre clarté. Je garantis que ses habits, et le suif dont ils sont pleins chaufferaient un hiver de Pologne : si elle vit jusqu’au jugement dernier, elle brûlera une semaine de plus que le monde entier.
ANTIPHOLUS.—Quelle est la couleur de son teint ?
DROMIO.—Basanée comme le cuir de mon soulier, mais sa figure n’est pas tenue aussi proprement. Pourquoi cela ? Parce qu’elle transpire tellement, qu’un homme en aurait par-dessus les souliers.
ANTIPHOLUS.—C’est un défaut que l’eau peut corriger.
DROMIO.—Non, monsieur : c’est entré dans la peau : le déluge de Noé n’en viendrait pas à bout.