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ACTE II, SCÈNE II.

lignes grisâtres qui prennent sur les nuages sont les messagers du-jour.

casca. — Vous allez m’avouer que vous vous trompez tous deux. C’est là, à l’endroit même où je pointe mon épée, que se lève le soleil, beaucoup plus vers le midi, en raison de la jeune saison de l’année. Dans deux mois environ, plus élevé vers le nord, il lancera de ce point ses premiers feux ; et l’orient proprement dit est vers le Capitole, dans cette direction-là.

brutus. — Donnez-moi tous la main, l’un après l’autre.

cassius. — Et jurons d’accomplir notre résolution.

brutus. — Non, point de serment. Si notre figure d’hommes[1], la souffrance de nos âmes, les iniquités du temps sont des motifs impuissants, rompons sans délai : que chacun de nous retourne à son lit oisif ; laissons la tyrannie à l’œil hautain se promener à son gré, jusqu’à ce que chacun de nous tombe désigné par le sort. Mais si, comme j’en suis certain, ces motifs portent avec eux assez de feu pour enflammer les lâches, et pour donner une trempe valeureuse à l’esprit mollissant des femmes ; alors, compatriotes, quel autre aiguillon nous faut-il que notre propre cause pour nous exciter au redressement de nos droits ? Quel autre lien que ce secret gardé par des Romains qui ont dit le mot et ne biaiseront point ? et quel autre serment que l’honnêteté engagée envers l’honnêteté à ce que cela soit ou que nous périssions. Laissons jurer les prêtres, les lâches, les hommes craintifs, ces vieillards qu’affaiblit un corps décomposé, et ces âmes patientes de qui l’injustice reçoit un accueil serein. Qu’elles jurent au profit de la cause injuste, les créatures dont on peut douter : mais nous, ne faisons pas à l’immuable sainteté de notre entreprise, ni à l’insurmontable constance de nos âmes, l’affront de penser que notre cause ou notre action eurent besoin d’un ser-

  1. The face of men. Les commentateurs ont cherché à expliquer ce passage de différentes manières, dont aucune n’a paru aussi satisfaisante que celle-ci. Voltaire ne l’a pas traduit. En tout, ce discours de Brutus est l’un des morceaux les plus défigurés dans sa traduction.