Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/299

Cette page n’a pas encore été corrigée

L’heure est venue de nous secourir ; un de vos regards en Écosse créerait des soldats, et ferait combattre jusqu’aux femmes pour s’affranchir de tant d’horribles maux.

MALCOLM. — Qu’ils se consolent, nous allons en Écosse. La généreuse Angleterre nous a prêté le brave Siward et dix mille hommes : la chrétienté ne fournit pas un plus ancien, ni un meilleur soldat.

ROSSE. — Plût au ciel que je pusse répondre à cette consolation en vous rendant la pareille ! mais j’ai à prononcer des paroles qu’il faudrait hurler dans l’air solitaire, là où l’ouïe ne pourrait les saisir.

MACDUFF. — Qui intéressent-elles ? Est-ce la cause générale ? ou bien est-ce un patrimoine de douleur qu’un seul cœur puisse réclamer comme sien ?

ROSSE. — Il n’est point d’âme honnête qui ne partage cette douleur, bien que la principale part n’en appartienne qu’à vous.

MACDUFF. — Si elle m’appartient, ne me la gardez pas plus longtemps ; que j’en sois mis en possession sur-le-champ.

ROSSE. — Que vos oreilles ne prennent pas pour jamais en aversion ma voix, qui va les frapper des sons les plus accablants qu’elles aient jamais entendus.

MACDUFF. — Ouf ! je devine !

ROSSE. — Votre château a été surpris, votre femme et vos petits enfants inhumainement massacrés. Vous dire la manière, ce serait à la curée de ces daims massacrés vouloir ajouter encore votre mort.

MALCOLM. — Dieu de miséricorde ! —Allons, homme, n’enfoncez point votre chapeau sur vos yeux ; donnez des expressions à la douleur : le chagrin qui ne parle pas murmure en secret au cœur surchargé et lui ordonne de se rompre,

MACDUFF. — Mes enfants aussi ?

ROSSE. — Femmes, enfants, serviteurs, tout ce qu’ils ont pu trouver.

MACDUFF. — Et fallait-il que je n’y fusse pas ! Ma femme tuée aussi !