Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée

moi : vous pouvez être parfaitement honnête, quoique je puisse penser.

MACDUFF. — Péris, péris, pauvre patrie ! Tyrannie puissante, affermis-toi sur tes fondements, car la vertu n’ose te réprimer ; et toi, subis tes injures, c’est maintenant à juste titre[1]. Adieu, prince : je ne voudrais pas être le misérable que tu soupçonnes pour tout l’espace qui est sous la main du tyran, avec le riche Orient par-dessus le marché.

MALCOLM. — Ne vous offensez point : ce que je dis ne vient point d’une défiance décidée contre vous. Je crois que notre patrie succombe sous le joug, elle pleure, son sang coule, et chaque jour de plus ajoute une plaie à ses blessures ; je crois aussi que plus d’une main se lèverait en faveur de mes droits, et je reçois ici de la généreuse Angleterre l’offre d’un million de bons soldats : mais après tout cela, quand j’aurai foulé aux pieds la tête du tyran, ou que je l’aurai placée sur la pointe de mon épée, ma pauvre patrie se trouvera en proie à plus de vices encore qu’auparavant ; elle souffrira encore, et de plus de manières, de celui qui succédera.

MACDUFF. — Et qui sera-ce donc ?

MALCOLM. — C’est moi-même dont je veux parler ; je sens en moi toutes les sortes de vices tellement enracinés, que, quand ils viendront à s’épanouir, le noir Macbeth paraîtra pur comme la neige ; et le pauvre État le tiendra pour un agneau en comparaison des maux sans bornes qui viendraient de moi.

MACDUFF. — Jamais, aux légions de l’horrible enfer, il ne peut se joindre un démon assez maudit en méchanceté pour surpasser Macbeth.

MALCOLM. — J’avoue qu’il est sanguinaire, esclave de la

  1. :Wear thou thy wrongs,
    Thy title is affeer’d.
    Affeer’d est un terme de loi qui paraît signifier confirmer. Je pense, malgré l’opinion de la plupart des commentateurs, que Macduff s’adresse ici à Malcolm, et lui dit, pour lui reprocher sa lâcheté : « Subis tes injures, ton titre est consacré, tu y as droit. »