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ACTE I, SCÈNE III.

casca. — Je le puis de même, et tout captif porte dans sa main le pouvoir d’anéantir sa servitude.

cassius. — Alors, pourquoi donc César serait-il un tyran ? Pauvre homme ! Je sais bien, moi, qu’il ne serait pas un loup s’il ne voyait que les Romains sont des brebis ; il ne serait pas un lion si les Romains n’étaient pas des biches. Qui veut élever en un instant une flemme puissante commence par l’allumer avec de faibles brins de paille. Quel amas d’ordures, de débris, de pourriture, doit être Rome pour fournir le vil aliment de la lumière qui se réfléchit sur un aussi vil objet que César ! Mais, ô douleur ! où m’as-tu conduit ? Peut-être parlé-je ici à un esclave volontaire, et alors je sais que j’aurai à en répondre ; mais je suis armé, et les dangers me sont indifférents.

casca. — Vous parlez à Casca, à un homme qui n’est point un impudent faiseur de rapports. Voilà ma main, travaillez à redresser tous ces abus : Casca posera son pied aussi avant que celui qui ira le plus loin.

cassius. — C’est un traité conclu. Apprenez maintenant, Casca, que j’ai disposé un certain nombre des plus généreux Romains à entrer avec moi dans une entreprise honorable et dangereuse par son importance : dans ce moment, je le sais, ils m’attendent sous le portique de Pompée, car, dans cette effroyable nuit, il n’y a pas moyen de se tenir dehors ni de se promener dans les rues ; et la face des éléments, comme l’œuvre qui repose dans nos mains, est sanglante, enflammée et terrible.

(Entre Cinna.)

casca. — Mettons-nous un moment à l’écart ; quelqu’un s’avance à grands pas.

cassius. — C’est Cinna, je le reconnais à sa démarche : c’est un ami. — Cinna, où courez-vous ainsi ?

cinna. — Vous chercher. — Qui est-là ? Métellus Cimber ?

cassius. — Non, c’est Casca, un Romain qui fait corps avec nous pour nos entreprises. Ne suis-je pas attendu, Cinna ?

cinna. — J’en suis bien aise. Quelle terrible nuit que