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JULES CÉSAR.

autour de moi se sont écriées : « Hélas ! la bonne âme ! » Elles lui ont pardonné de tout leur cœur, mais il n’y a pas à y faire grande attention. César eût égorgé leurs mères, qu’ils en auraient dit autant.

brutus. — Et c’est après cela qu’il est revenu si chagrin ?

casca. — Oui.

cassius. — Cicéron a-t-il dit quelque chose ?

casca. — Oui, il a parlé grec.

cassius. — Dans quel sens ?

casca. — Ma foi, si je peux vous le dire, que je ne vous regarde jamais en face[1]. Ceux qui l’ont compris souriaient l’un à l’autre en secouant la tête ; mais pour ma part, je n’y entendais que du grec. Je puis vous dire encore d’autres nouvelles. Flavius et Marullus, pour avoir ôté les ornements qu’on avait mis aux statues de César, sont réduits au silence[2]. Adieu ; il est bien d’autres choses absurdes, si je pouvais m’en souvenir.

cassius. — Voulez-vous souper ce soir avec moi, Casca ?

casca. — Non, je suis engagé.

cassius. — Demain, voulez-vous que nous dînions ensemble ?

casca. — Oui, si je suis vivant, si vous ne changez pas d’avis, et si votre dîner vaut la peine d’être mangé.

cassius. — Il suffit : je vous attendrai.

casca. — Attendez-moi. Adieu tous deux.

(Il sort.)

brutus. — Qu’il s’est abruti en prenant des années ! Lorsque nous le voyions à l’école, c’était un esprit plein de vivacité.

cassius. — Et malgré les formes pesantes qu’il affecte,

  1. Traduction de Voltaire :

    « Ma foi, je ne sais, je ne pourrai plus guère vous regarder en face. » C’est un contre-sens.

  2. Ce fut plus tard, et pour avoir, comme on l’a déjà dit, arraché les diadèmes placés sur quelques-unes des statues de César. Ils avaient aussi reconnu et fait arrêter quelques-uns des hommes. qui, apostés par Antoine, avaient applaudi lorsqu’il avait présenté la couronne à César.