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mâchonnant.—Donne-m’en, lui ai-je dit.—Arrière, sorcière ! m’a répondu cette maigrichonne[1] nourrie de croupions.—Son mari est parti pour Alep, comme patron du Tigre ; mais je m’embarquerai avec lui dans un tamis, et sous la forme d’un rat sans queue[2], je ferai, je ferai, je ferai.

DEUXIÈME SORCIÈRE. — Je te donnerai un vent.

PREMIÈRE SORCIÈRE. — Tu es bien bonne.

TROISIÈME SORCIÈRE. — Et moi un autre.

PREMIÈRE SORCIÈRE. — J’ai déjà tous les autres, les ports vers lesquels ils soufflent, et tous les endroits marqués sur la carte des marins. Je le rendrai sec comme du foin, le sommeil ne descendra ni jour ni nuit sur sa paupière enfoncée ; il vivra comme un maudit, pendant neuf fois neuf longues semaines ; il maigrira, s’affaiblira, languira ; et si sa barque ne peut périr, du moins sera-t-elle battue par la tempête.—Voyez ce que j’ai là.

DEUXIÈME SORCIÈRE. — Montre-moi, montre-moi.

PREMIÈRE SORCIÈRE. — C’est le pouce d’un pilote qui a fait naufrage en revenant dans son pays.

(Tambour derrière le théâtre.)

TROISIÈME SORCIÈRE. — Le tambour ! le tambour ! Macbeth arrive.

TOUTES TROIS ENSEMBLE. — Les sœurs du Destin[3] se

  1. La sorcière insulte ici la pauvreté de son ennemie qui vivait, disait-elle, des restes qu’on distribuait à la porte des couvents et des maisons opulentes.
  2. Lorsqu’une sorcière prenait la forme d’un animal, la queue lui manquait toujours, parce que, disait-on, il n’y a pas dans le corps humain de partie correspondante dont on puisse façonner une queue, comme on fait du nez le museau, des pieds et des mains les pattes, etc.
  3. The weird sisters. La chronique d’Hollinshed, en rapportant l’apparition des trois figures étranges qui prédirent à Macbeth sa future grandeur, dit que, d’après l’accomplissement de leurs prophéties, on fut généralement d’opinion que c’étaient ou the weird sisters, « comme qui dirait les déesses de la destinée, ou quelques nymphes ou fées que leurs connaissances nécromantiques douaient de la science de prophétie. » Warburton les prend pour les walkyries, nymphes du paradis d’Odin, chargées de conduire les âmes des morts et de verser à boire aux guerriers ; et les fonctions que s’attribuent, dans leur chant magique, les