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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

Énobarbus.

Seigneur, que voulez-vous dire ? Pourquoi les affliger ainsi ? Voyez, ils pleurent, et moi, imbécile, mes yeux se remplissent aussi de larmes, comme s’ils étaient frottés avec un ognon. Par grâce, ne nous transformez pas en femmes.

Antoine.

Ah ! arrêtez ! arrêtez, que la sorcière m’enlève si telle est mon intention ! Que le bonheur croisse sur le sol qu’arrosent ces larmes ! Mes dignes amis, vous prêtez à mes paroles un sens trop sinistre ; je ne vous parlais ainsi que pour vous consoler, et je vous priais de brûler cette nuit avec des torches. Sachez, mes amis, que j’ai bon espoir de la journée de demain, et je veux vous conduire où je crois trouver la victoire et la vie, plutôt que l’honneur et la mort. Allons souper ; venez, et noyons dans le vin toutes les réflexions.

(Ils sortent.)



Scène III

Alexandrie. — Devant le palais.
Entrent deux soldats qui vont monter la garde.
Premier soldat.

Bonsoir, camarade ; c’est demain, le grand jour.

Second soldat.

Il décidera tout. Bonsoir. N’as-tu rien entendu d’étrange dans les rues ?

Premier soldat.

Rien. Quelles nouvelles ?

Second soldat.

Il y a apparence que ce n’est qu’un bruit ; bonne nuit.

Premier soldat.

Camarade, bonne nuit.

(Entrent deux autres soldats.)
Second soldat.

Soldats, faites bonne garde.

Troisième soldat.

Et vous aussi ; bonsoir, bonsoir.

(Les deux premiers soldats se placent à leur poste.)
Quatrième soldat.

Nous, ici. (Ils prennent leur poste.) Et si demain notre flotte à l’avantage, je suis bien certain que nos troupes de terre ne lâcheront pas pied.

Troisième soldat.

C’est une brave armée et pleine de résolution.

(On entend une musique de hautbois sous le théâtre.)