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ACTE II, SCÈNE VI.

Ménas.

Vous l’avez dit, seigneur. — Nous ne nous attendions pas à trouver Marc-Antoine ici. Mais, je vous prie, est-il marié à Cléopâtre ?

Énobarbus.

La sœur de César se nomme Octavie.

Ménas.

Oui ; elle était femme de Caïus Marcellus.

Énobarbus.

Mais elle est maintenant la femme de Marc-Antoine.

Ménas.

Plaît-il, seigneur ?

Énobarbus.

Rien de plus vrai.

Ménas.

Les voilà donc, César et lui, liés ensemble pour jamais.

Énobarbus.

Si j’étais obligé de deviner le sort de cette union, je ne prédirais pas ainsi.

Ménas.

Je présume que la politique a eu plus de part que l’amour à cette alliance ?

Énobarbus.

Je le crois comme vous. Vous verrez que le nœud qui semble aujourd’hui resserrer leur amitié étranglera l’affection. Octavie est d’une humeur chaste, froide et tranquille.

Ménas.

Qui ne voudrait que sa femme fût ainsi ?

Énobarbus.

Celui qui n’a lui-même aucune de ces qualités ; c’est-à-dire Marc-Antoine. Il retournera à son plat égyptien. Alors les soupirs d’Octavie enflammeront la colère de César ; et, comme je viens de le dire, ce qui paraît faire la force de leur amitié, sera précisément la cause de leur rupture. Antoine laissera toujours son cœur où il l’a placé ; il n’a épousé ici que les circonstances.

Ménas.

Cela pourrait bien être. Allons, seigneur, voulez-vous venir à bord ? j’ai une santé à vous faire boire.

Énobarbus.

Je l’accepterai. Nous avons utilisé nos gosiers en Égypte.

Ménas.

Allons, venez.

(Ils sortent.)