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ACTE II, SCÈNE II.

querelle, comme vous n’en avez pas de bonne raison, il ne faut pas compter sur celui-ci.

César.

Vous faites-là votre éloge, en m’accusant de défaut de jugement : mais vous déguisez mal vos torts.

Antoine.

Non, non ! Je sais, je suis certain que vous ne pouviez pas manquer de faire cette réflexion naturelle, que moi, votre associé dans la cause contre laquelle mon frère s’armait, je ne pouvais voir d’un œil satisfait une guerre qui troublait ma paix. Quant à ma femme, je voudrais que vous trouvassiez une autre femme douée du même caractère. — Le tiers de l’univers est sous vos lois ; vous pouvez, avec le plus faible frein, le gouverner à votre gré, mais non pas une pareille femme.

Énobarbus.

Plût au ciel que nous eussions tous de pareilles épouses ! les hommes pourraient aller à la guerre avec les femmes.

Antoine.

Les embarras qu’a suscités son impatience et son caractère intraitable qui ne manquait pas non plus des ruses de la politique, vous ont trop inquiété, César ; je vous l’accorde avec douleur ; mais vous êtes forcé d’avouer qu’il n’était pas en mon pouvoir de l’empêcher.

César.

Je vous ai écrit pendant que vous étiez plongé dans les débauches, à Alexandrie ; vous avez mis mes lettres dans votre poche, et vous avez renvoyé avec mépris mon député de votre présence.

Antoine.

César, il est entré brusquement, avant qu’on l’eût admis. Je venais de fêter trois rois, et je n’étais plus tout à fait l’homme du matin : mais le lendemain, j’en ai fait l’aveu moi-même à votre député ; ce qui équivalait à lui en demander pardon. Que cet homme n’entre pour rien dans notre différend. S’il faut que nous contestions ensemble, qu’il ne soit plus question de lui.

César.

Vous avez violé un article de vos serments, ce que vous n’aurez jamais à me reprocher.

Lépide.

Doucement, César.

Antoine.

Non, Lépide, laissez-le parler, l’honneur dont il parle maintenant est sacré, en supposant que