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ÉTUDE

à peine Locrine, lord Cromwell, le Prodigue de Londres, la Puritaine et la tragédie d’Yorkshire offrent-elles quelques touches d’une main supérieure à celle qui a fourni le fond. Lord John Oldcastle, ouvrage plus intéressant et composé avec plus de bon sens, s’anime aussi, dans quelques scènes, d’un comique plus voisin de la manière de Shakspeare. Mais s’il est vrai que le génie, dans son plus profond abaissement, laisse encore échapper quelques rayons lumineux qui trahissent sa présence, si Shakspeare, en particulier, a porté cette marque distinctive qui, dans un de ses sonnets, lui fait dire, en parlant de ce qu’il écrit : « Chaque mot dit presque mon nom [1], » à coup sûr il n’a rien à se reprocher dans cet exécrable amas d’horreurs que, sous le nom de Titus Andronicus, on a donné aux Anglais comme une pièce de théâtre, et où, grâce à Dieu, aucun trait de vérité, aucune étincelle de talent ne vient déposer contre lui.

Des pièces contestées, Périclès est, à mon avis, la seule à laquelle se rattache, avec quelque certitude, le nom de Shakspeare, la seule du moins où se rencontrent des traces évidentes de sa coopération, surtout dans la scène où Périclès retrouve et reconnaît sa fille Marina qu’il croyait morte. Si, du temps de Shakspeare, un autre homme que lui eût su, dans la peinture des sentiments naturels, unir à ce point la force et la vérité, l’Angleterre eût compté alors un poëte de plus. Cependant, malgré cette scène et quelques traits épars, la pièce demeure mauvaise, sans réalité, sans art, complètement étrangère au système de Shakspeare, intéressante seulement en ce qu’elle marque le point d’où il est parti, et elle semble appartenir à ses œuvres comme un dernier monument de ce qu’il a renversé, comme un débris de cet échafaudage antidramatique auquel il allait substituer la présence et le mouvement de la vie.

Les spectacles des peuples barbares s’adressent à leurs

  1. Sonnet 76, édition de Steevens, 1780, t. XI, p. 642.