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ACTE V, SCÈNE V.

ainsi à moi-même, si bien qu’à la fin j’ai pu être pris pour son subordonné et non son égal, et qu’il m’a traité de l’air qu’on prend avec un mercenaire.

premier conjuré.—Voilà en effet son procédé : l’armée en a été étonnée, et pour dernier trait, lorsqu’il était maître de Rome, et que nous nous attendions au butin et à la gloire…

aufidius.—Oui, et c’est sur ce point que je l’attaquerai avec toute l’habileté dont je serai capable. Pour quelques larmes de femme qu’on obtient aussi facilement que des mensonges, il a vendu tout le sang versé et tous les travaux qu’avait coûtés notre grande entreprise. C’est pour cela qu’il mourra, et je me rajeunirai par sa chute. Mais écoutons.

(On entend le bruit des instruments militaires et les cris du peuple.)

premier conjuré.—Vous êtes entré dans notre ville natale comme un poteau, sans que personne vous ait fait accueil ; mais il revient en fatiguant l’air par le bruit qu’il cause.

second conjuré.—Et tout ce peuple stupide, dont il a tué les enfants, s’enroue lâchement à célébrer sa gloire.

troisième conjuré.—Profitez donc du moment favorable, avant qu’il s’explique et qu’il gagne le peuple par ses discours ; qu’il sente votre fer ; nous vous seconderons. Lorsqu’il sera couché sur la terre, alors vous raconterez son histoire suivant vos intérêts ; et votre harangue ensevelira son apologie avec son corps.

aufidius.—Cessons nos discours ; voici les nobles qui arrivent.

(Entrent les sénateurs volsques.)

les sénateurs, à Aufidius.—Nous vous félicitons de votre retour dans notre ville.

aufidius.—Je ne l’ai pas mérité : mais, dignes sénateurs, avez-vous lu avec attention l’écrit que je vous ai fait remettre ?

tous.—Nous l’avons lu.

premier sénateur.—Et sa lecture nous a affligés. Les