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CORIOLAN.

main sans parler.) Ah ! qu’avez-vous fait ? Voyez, le ciel s’entr’ouvre, et les dieux abaissent leurs regards sur cette plaine, et ils sourient de pitié en voyant cette scène contre nature… Ô ma mère, ma mère ! Oh ! vous remportez une heureuse victoire pour Rome ! mais quant à votre fils, ah ! croyez-le, croyez-le, cette victoire, que vous remportez sur lui, lui est bien funeste, si elle ne lui devient pas mortelle. Mais n’importe ! j’accepte ma destinée.—Aufidius, quoique je ne puisse plus poursuivre la guerre que j’avais promise, je ferai une paix convenable.—Mais quoi ! généreux Aufidius ; si tu étais à ma place, parle, aurais-tu moins écouté une mère ? Aurais-tu pu lui moins accorder ? Réponds, Aufidius.

aufidius.—J’ai été vivement ému.

coriolan.—Ah ! j’oserais le jurer que tu l’as été. Et ce n’était pas chose facile de forcer mes yeux à verser les larmes de la compassion. Mais, brave général, quelle paix veux-tu faire ? Donne-moi tes conseils. Pour moi, je ne rentrerai pas à Rome ; je retourne avec toi à Antium, et je te prie de m’appuyer dans ma défense. Ô ma mère ! ma femme !

aufidius, à part.—Je suis bien aise que tu aies mis en contradiction ta pitié et ton honneur ; je saurai tirer parti de ceci pour rétablir ma fortune dans son premier état.

(Les dames romaines font des signes à Coriolan, qui leur dit :)

coriolan.—Oui, tout à l’heure ; mais nous viderons ensemble quelques coupes, et vous remporterez à Rome des preuves plus visibles que des paroles, dans le traité que nous aurons scellé sous des conditions égales… Venez ; entrez dans notre tente. (A Volumnie et à Virgilie.) Et vous, illustres Romaines, vous méritez que Rome vous élève un temple : toutes les épées de l’Italie, tous ses soldats ligués ensemble n’auraient pas eu le pouvoir de faire cette paix.

(Ils sortent.)