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CORIOLAN.

second soldat.—C’est un nom, comme vous voyez, dont le charme est bien puissant ! —Vous savez par quel chemin on retourne à Rome ?

premier soldat.—Avez-vous vu comme nous avons été réprimandés pour avoir barré le passage à Votre Grandeur ?

second soldat.—Croyez-vous que j’aie sujet de m’évanouir de peur ?

ménénius.—Je ne m’embarrasse plus ni du monde ni de votre général. Pour des être tels que vous, je puis à peine penser qu’ils existent, tant vous êtes petits à mes yeux ! Celui qui est décidé à se donner la mort lui-même ne la craint point d’un autre. Que votre général suive à son gré ses fureurs. Demeurez longtemps ce que vous êtes, et puisse votre misère s’accroître avec vos années ! Je vous dis ce qu’on m’a dit : Loin de moi !

(Il sort.)

premier soldat.—Un noble mortel, je le garantis.

second soldat.—Le noble mortel, c’est notre général. C’est un rocher, un chêne que le vent ne peut ébranler.

(Les soldats s’éloignent.)

SCÈNE III

La tente de Coriolan.
Entrent CORIOLAN, AUFIDIUS et autres.

coriolan.—Demain, nous rangeons notre armée devant les murs de Rome. Toi, mon collègue, dans cette expédition, tu dois rendre compte au sénat volsque de la franchise que j’ai mise dans ma conduite.

aufidius.—Oui, tu n’as considéré que les intérêts des Volsques ; tu as fermé l’oreille à la prière universelle de Rome ; tu ne t’es permis aucune conférence secrète, pas même avec tes plus intimes amis, qui se croyaient sûrs de te gagner.

coriolan.—Le dernier, ce vieillard que j’ai renvoyé à Rome, le cœur brisé, m’aimait plus tendrement que