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ACTE IV, SCÈNE II.

virgilie.—Plût à Dieu que j’eusse pu dire la même chose, à mon époux !

sicinius.—Mais c’est un vrai homme !

volumnie.—Imbécile ! est-ce là une honte ? Mais l’entendez-vous ? Mon père n’était-il donc pas homme ? —Vieux renard, as-tu bien pu être assez rusé pour bannir un citoyen qui a frappé plus de coups pour Rome que tu n’as dit de mots.

sicinius.—Ô dieux protecteurs !

volumnie.—Oui, plus de coups glorieux que tu n’as dit en ta vie de paroles sages et utiles au bien de Rome.—Je te dirai ce que…—Mais va-t’en.—Non, tu resteras.—Je voudrais que mon fils fût dans les déserts de I’Arabie, armé de sa fidèle épée, et toute ta race devant lui.

sicinius.—Eh bien ! qu’en arriverait-il ?

virgilie.—Ce qu’il en arriverait ? Il aurait bientôt mis fin à ta postérité.

volumnie.—Oui, à tes bâtards et à toute ta race. Bon citoyen, toutes les blessures qu’il a reçues pour Rome…

ménénius.—Allons, cessez, cessez, contenez-vous.

sicinius.—Je souhaiterais qu’il eût continué de servir sa patrie comme il avait commencé, et qu’il n’eût pas lui-même rompu le nœud glorieux qui les attachait l’un à l’autre.

brutus.—Oui, je le souhaiterais aussi.

volumnie.—Vous le souhaiteriez, dites-vous ?… Et c’est vous qui avez animé la populace, vous chats miaulants, aussi en état d’apprécier son mérite que je le suis, moi, de pénétrer les mystères dont le ciel interdit la connaissance à la terre.

brutus, à Sicinius.—Je vous en prie, allons-nous-en.

volumnie.—Oui, fort bien, allez-vous-en. Vous avez fait là une belle action ; mais avant que vous me quittiez, vous entendrez encore cette vérité. Autant le Capitole surpasse en hauteur la plus humble maison de Rome, autant mon fils, oui, le mari de cette jeune femme qui m’accompagne, celui-là même, voyez-vous, que vous avez banni, vous surpasse en mérite, vous tous tant que vous êtes.