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CORIOLAN.

ménénius.—Noble dame, joignez-vous à nous ; continuez de parler avec cette sagesse ; vous pourrez réussir non-seulement à prévenir les dangers présents, mais même à réparer les malheurs du passé.

volumnie.—Je t’en conjure, ô mon fils, va reparaître devant eux, ton bonnet à la main ; et de loin salue ainsi la foule (suppose qu’elle est là devant toi) ; puis, mettant un genou sur les pierres (car en pareille circonstance l’action est pleine d’éloquence et les yeux des ignorants sont plus savants que leurs oreilles), fais à plusieurs reprises un geste repentant, qui corrige et démente ton cœur inflexible, devenu tout à coup humble et docile comme le fruit mûr qui cède à la main qui le touche ; ou bien, dis-leur que tu es leur guerrier, et qu’ayant été élevé au milieu des combats, tu n’as pas l’usage de ces douces manières que tu devrais avoir et qu’ils pourraient exiger, lorsque tu viens demander leurs bonnes grâces ; mais qu’à l’avenir tu seras leur ami autant qu’il dépendra de toi.

ménénius.—Faites ce qu’elle dit, et tous les cœurs sont à vous ; car ils sont aussi prompts à pardonner, dès qu’on les implore, qu’ils le sont à proférer des injures sur le plus léger prétexte.

volumnie.—Je t’en conjure, va, et sois docile ; quoique je sache bien que tu aimerais mieux descendre avec ton ennemi dans un gouffre enflammé que de le flatter dans un riant bosquet… (Cominius entre.) Voilà Cominius.

(Cominius entre.)

cominius.—Je viens de la place publique ; et il faut vous appuyer d’un parti puissant, ou chercher vous-même votre sûreté dans la plus grande modération ou dans l’absence. Tout le peuple est en fureur.

ménénius.—Seulement quelques paroles de conciliation…

cominius.—Je crois qu’elles les apaiseraient, si Coriolan peut y plier sa fierté.

volumnie.—Il le faut, et il le voudra. Je te prie, mon fils, dis que tu y consens, et va l’exécuter.

coriolan.—Faut-il donc que j’aille leur montrer mes