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ACTE III, SCÈNE I.

le peuple.—Et vous êtes nos magistrats.

ménénius.—Et vous continuerez à l’être.

cominius.—Voilà le moyen de renverser Rome, de mettre le toit sous les fondements, et d’ensevelir ce qui reste d’ordre sous un amas de ruines.

sicinius.—Son discours mérite la mort.

brutus.—Ou il faut soutenir notre autorité, ou il faut nous résoudre à la perdre.—Nous prononçons ici, de la part du peuple, dont le pouvoir nous a créés ses magistrats, que Marcius mérite la mort à l’instant même.

sicinius.—Saisissez-le donc. Entraînez-le à la roche Tarpéienne, et précipitez-le dans l’abîme.

brutus.—Édiles saisissez-vous de sa personne.

(Marcius se défend.)

tous les plébéiens.—Cède, Marcius ; cède.

ménénius.—Écoutez-moi ; un seul mot… Tribuns, je vous en conjure ; je ne veux dire qu’un mot.

les édiles.—Silence ! silence !

ménénius.—Soyez ce que vous paraissez, les vrais amis de votre patrie ; procédez avec calme, au lieu de vous faire ainsi violemment justice.

brutus.—Ménénius, ces voies lentes et mesurées, qui paraissent des remèdes prudents, sont funestes quand le mal est violent. Emparez-vous de lui, et traînez-le au rocher.

(Coriolan tire son épée.)

coriolan.—Non : je veux mourir ici.—Il en est plus d’un parmi vous qui m’a vu combattre. Allons, essayez sur vous-mêmes si je suis encore ce que vous m’avez vu devant l’ennemi.

ménénius.—Mettez bas cette épée : tribuns, retirez-vous un moment.

brutus.—Saisissez-le.

ménénius.—Défendez Marcius, défendez-le, vous tous qui êtes nobles : jeunes et vieux, défendez-le.—Vous, tous, sénateurs, chevaliers, jeunes et vieux, secourez-le.

tout le peuple.—À bas Marcius ! à bas !

(Dans ce tumulte, les édiles, les tribuns et le peuple sont battus et repoussés : ils disparaissent.)