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CORIOLAN.

coriolan.—Comment ? ceci était connu auparavant.

brutus.—Non pas à tous.

coriolan.—Et vous les en avez instruits depuis ?

brutus.—Qui, moi, je les en ai instruits ?

coriolan.—Vous êtes bien capable d’un trait pareil.

brutus.—Je suis certainement capable de réparer vos imprudences.

coriolan.—Eh ! pourquoi serais-je consul ? par les nuages que voilà, faites-moi démériter autant que vous, et alors prenez-moi pour votre collègue.

sicinius.—Vous laissez trop voir cette haine qui irrite le peuple. Si vous êtes jaloux d’arriver au terme où vous aspirez, il vous faut chercher à rentrer, avec des dispositions plus douces, dans la voie dont vous vous êtes écarté : ou bien, vous n’aurez jamais l’honneur d’être ni consul, ni collègue de Brutus dans le tribunat.

ménénius.—Restons calmes.

cominius.—On trompe le peuple ; on l’excite.—Cette fraude est indigne de Rome, et Coriolan n’a pas mérité cet obstacle injurieux dont on veut perfidement embarrasser le chemin ouvert à son mérite.

coriolan.—Me parler aujourd’hui de blé ? —Oui, ce fut mon propos, et je veux le répéter encore.

ménénius.—Pas dans ce moment, pas dans ce moment.

un sénateur.—Non, pas dans ce moment, où les esprits sont échauffés.

coriolan.—Dans ce moment même, sur ma vie, je veux le répéter. (Aux sénateurs.)—Vous, mes nobles amis, j’implore votre pardon. Mais pour cette ignoble et puante multitude, qu’elle me regarde pendant que je lui dis ses vérités, et qu’elle se reconnaisse. Oui, en la caressant, nous nourrissons contre le sénat l’ivraie de la révolte, de l’insolence et de la sédition : nous l’avons nous-mêmes cultivée, semée, propagée en la mêlant à notre ordre illustre, nous qui ne manquons pas de vertu, certes, ni de pouvoir, sinon de celui que nous avons donné à la canaille.

ménénius.—C’est assez, calmez-vous.

un sénateur.—Plus de paroles, nous vous en conjurons.