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CORIOLAN.

second citoyen, mécontent.—Si c’était à refaire… Mais n’importe.

(Ils se retirent.)
(Deux autres citoyens s’avancent.)

coriolan.—Je vous prie, s’il dépend de votre voix que je devienne consul… Vous voyez que j’ai pris le costume d’usage.

troisième citoyen.—Vous avez servi noblement votre patrie, et vous ne l’avez pas servie noblement.

coriolan.—Le mot de cette énigme ?

troisième citoyen.—Vous avez été le fléau de ses ennemis ; et aussi la verge de ses amis. Non, vous n’avez pas aimé le commun peuple.

coriolan.—Vous devriez me croire d’autant plus vertueux que j’ai été moins commun dans mes amitiés : mais je flatterai mes frères les plébéiens pour obtenir d’eux une plus tendre estime. C’est une condition qu’ils croient bien douce ; et puisque, dans la sagesse de leur choix, ils préfèrent mes coups de chapeau à mon cœur, je leur ferai ces courbettes qui les séduisent et j’en serai quitte avec eux pour des grimaces ; oui, je leur prodiguerai ces mines qui ont été le charme de quelques hommes populaires ; je leur en donnerai tant qu’ils en désireront : Je vous conjure donc de me faire consul.

quatrième citoyen.—Nous espérons trouver en vous notre ami ; et, dans cet espoir, nous vous donnons nos voix de bon cœur.

troisième citoyen.—Vous avez reçu beaucoup de blessures pour votre pays.

coriolan.—Il est inutile de vous apprendre, en vous les montrant, ce que vous savez déjà. Je m’applaudis beaucoup d’avoir reçu votre suffrage, et je ne veux pas vous importuner plus longtemps.

tous deux.—Que les dieux vous comblent de joie ! C’est le vœu de notre cœur.

(Ils se retirent.)

coriolan.—Ô voix pleines de douceur ! Il vaut mieux mourir, il vaut mieux mourir de faim que d’implorer le