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CORIOLAN.

un sénateur.—Qu’on appelle Coriolan.

un officier.—Le voici.

(Coriolan entre.)

ménénius.—Coriolan, tout le sénat est charmé de vous faire consul.

coriolan.—Je lui dois pour toujours mes services et ma vie.

ménénius.—Il ne reste plus qu’à parler au peuple.

coriolan.—Permettez-moi, je vous en conjure, de m’affranchir de cet usage : je ne puis revêtir la robe, me présenter la tête nue devant le peuple, et le conjurer, au nom de mes blessures, de m’accorder ses suffrages. Que j’en sois dispensé !

sicinius.—Le peuple doit avoir sa voix ; il ne rabattra rien, absolument rien de la cérémonie.

ménénius.—Ne lui montez pas la tête.—Et vous, accommodez-vous à la coutume, et arrivez aux honneurs comme ceux qui vous ont précédé, dans les formes prescrites.

coriolan.—C’est un rôle que je ne pourrai jouer sans rougir ; et l’on pourrait bien priver le peuple de ce spectacle.

brutus.—Remarquez-vous ce qu’il dit là ?

coriolan.—Me vanter devant eux ! Dire : J’ai fait ceci et cela ; leur montrer des cicatrices dont je ne souffre pas et que je voudrais tenir cachées : comme si je n’avais reçu tant de blessures que pour recevoir le salaire de leurs voix.

ménénius.—Ne vous obstinez pas à cela.—Tribuns du peuple, nous vous recommandons nos projets, et nous souhaitons tous joie et honneur à notre illustre consul.

les sénateurs.—Joie et honneur à Coriolan.

(Acclamations.)
(Tous sortent, excepté Sicinius et Brutus.)

brutus.—Vous voyez comme il veut en agir avec le peuple.

sicinius.—Puissent-ils pénétrer ses pensées ! Il leur demandera leurs voix, d’un ton à leur faire sentir qu’il