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CORIOLAN.

chaque blessure fut le tombeau d’un ennemi. Entendez-vous les trompettes ?

(Acclamations et fanfares.)

volumnie.—Voilà les avant-coureurs de Marcius : il fait marcher devant lui le bruit de la victoire, et derrière lui il laisse des pleurs. La mort, ce sombre fantôme, est assise sur son bras vigoureux : ce bras se lève, retombe, et alors les hommes meurent.

(Les trompettes sonnent. On voit paraître Cominius et Titus Lartius ; Coriolan est au milieu d’eux, le front ceint d’une couronne de chêne ; les chefs de l’armée et les soldats le suivent : un héraut le précède.)

le héraut.—Apprends, ô Rome, que Marcius a combattu seul dans les murs de Corioles, où il a gagné avec gloire un nom qui s’ajoute au nom de Caïus Marcius. Coriolan est son glorieux surnom. Soyez le bienvenu à Rome, illustre Coriolan !

(Fanfares.)

tous ensemble.—Soyez le bienvenu à Rome, illustre Coriolan !

coriolan.—Assez ! cela blesse mon cœur ; je vous prie, cessez.

cominius.—Voyez votre mère.

coriolan.—Oh ! je le sais, vous avez imploré tous les dieux pour ma prospérité.

(Il fléchit le genou.)

volumnie.—Non, mon brave soldat, lève-toi ; lève-toi, mon cher Marcius, mon noble Caïus, et encore un surnom nouveau qui comble l’honneur de tes exploits ! Oui, Coriolan : n’est-ce pas le nom qu’il faut que je te donne ? Mais voilà ta femme…

coriolan.—Salut, mon gracieux silence ! Quoi ! aurais-tu donc ri si tu m’avais vu rapporté dans un cercueil, toi qui pleures à mon triomphe ? Ah ! ma chère, ce sont les veuves de Corioles, et les mères qui ont perdu leurs enfants qui pleurent ainsi…

ménénius.—Que les dieux te couronnent !

coriolan.—Ah ! vous vivez encore ? (À Valérie.) Aimable dame, pardonnez.