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ACTE I, SCÈNE X.

SCÈNE X

Le camp des Volsques.
Bruit d’instruments militaires : TULLUS AUFIDIUS paraît tout sanglant avec deux ou trois officiers.

aufidius.—La ville est prise.

un officier.—Elle sera rendue à de bonnes conditions.

aufidius.—Des conditions ! Je voudrais être Romain… car étant Volsque, je ne puis me montrer tel que je suis. Des conditions ! Eh ! y a-t-il de bonnes conditions dans un traité pour le parti qui est à la merci du vainqueur ? —Marcius, cinq fois j’ai combattu contre toi, et cinq fois tu m’a vaincu ; et tu me vaincrais toujours, je crois, quand nos combats se renouvelleraient aussi souvent que nos repas ! Mais, j’en jure par les éléments, si je me rencontre encore une fois avec lui face à face, il sera à moi ou je serai à lui. Mon émulation renonce à l’honneur dont elle s’est piquée jusqu’ici ; et au lieu d’espérer, comme je l’ai fait, de le terrasser, en luttant en brave et fer contre fer, je lui tendrai quelque piège : il faut qu’il succombe ou sous ma fureur, ou sous mon adresse.

l’officier.—C’est le démon !

aufidius.—Il a plus d’audace, mais moins de ruse. Ma valeur est empoisonnée par les affronts qu’elle a reçus de lui ; elle change de nature. Ni le sommeil, ni le sanctuaire, ni la nudité, ni la maladie, ni le temple, ni le Capitole, ni les prières des prêtres, ni l’heure du sacrifice, aucune de ces barrières qui s’opposent à la fureur, ne pourront élever leurs privilèges traditionnels et pourris contre la haine que je porte à Marcius. Partout où je le trouverai, dans mes propres foyers, sous la garde de mon frère, là, violant les lois de l’hospitalité, je laverai dans son sang ma cruelle main.—Vous, allez à la ville ; voyez comment les Romains la gardent, quels sont les otages qu’ils ont demandés pour Rome.