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CORIOLAN.

marcius.—Je vais laver mon visage ; et alors vous verrez s’il est vrai que je rougisse ou non.—N’importe ! je vous rends grâces. Je veux monter votre coursier, et dans tous les temps je ferai tous mes efforts pour soutenir le beau surnom que vous me décernez.

cominius.—Allons, entrons dans notre tente ; avant de nous livrer au repos, il nous faut instruire Rome de nos succès. Vous, Titus Lartius, retournez à Corioles ; et envoyez-nous à Rome les citoyens les plus considérables, afin que nous puissions conférer avec eux, dans leur intérêt comme dans le nôtre.

lartius.—Je vais le faire, seigneur.

marcius.—Les dieux commencent à se jouer de moi : moi, qui viens tout à l’heure de refuser les plus magnifiques présents, je me vois obligé de demander une grâce à mon général.

cominius.—Elle vous est accordée. Quelle est-elle ?

marcius.—J’ai passé quelque temps ici à Corioles, chez un pauvre citoyen qui m’a traité en ami. Il a poussé dans le combat un cri vers moi : je l’ai vu faire prisonnier. Mais alors Aufidius a paru devant moi, et la fureur a étouffé ma pitié. Je vous demande la liberté de mon malheureux hôte.

cominius.—Ô noble demande ! Fût-il le bourreau de mon fils, il sera libre comme l’air. Rendez-lui la liberté, Titus !

lartius.—Son nom, Marcius ?

marcius.—Par Jupiter ! je l’ai oublié.—Je suis fatigué, et ma mémoire en est troublée : n’avez-vous point de vin ici ?

cominius.—Entrons dans nos tentes : le sang se fige sur votre visage ; il est temps que vous preniez soin de vos blessures : allons.

(Ils sortent.)