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ACTE V, SCÈNE I.

dement ; il s’approche et couvrira bientôt la plage de la raison, maintenant encore encombrée d’un limon impur. Jusqu’ici aucun d’eux ne me regarde ou ne pourrait me reconnaître. — Ariel, va me chercher dans ma grotte mon chaperon et mon épée : je veux quitter ces vêtements, et me montrer à eux tel que je fus quelquefois lorsque je régnais à Milan. Vite, esprit ; avant bien peu de temps tu seras libre.

Ariel chante, en aidant Prospero à s’habiller.

Je suce la fleur que suce l’abeille ;
J’habite le calice d’une primevère ;
Et là je me repose quand les hiboux crient.
Monté sur le dos de la chauve-souris, je vole
Gaiement après l’été.
Gaiement, gaiement, je vivrai désormais
Sous la fleur qui pend à la branche.

Prospero.

Oui, mon gentil petit Ariel, il en sera ainsi. Je sentirai que tu me manques ; mais tu n’en auras pas moins ta liberté. Allons, allons, allons ! vite au vaisseau du roi, invisible comme tu l’es : tu trouveras les matelots endormis sous les écoutilles. Réveille le maître et le bosseman ; force-les à te suivre en ce lieu. Dans l’instant, je t’en prie.

Ariel.

Je bois l’air devant moi, et je reviens avant que votre pouls ait battu deux fois.

(Il sort.)
Gonzalo.

Tout ce qui trouble, étonne, tourmente, confond, habite en ce lieu. Oh ! que quelque pouvoir céleste daigne nous guider hors de cette île redoutable !

Prospero.

Seigneur roi, reconnais le duc outragé de Milan, Prospero. Pour te mieux convaincre que c’est un prince vivant qui te parle, je te presse dans mes bras, et je te souhaite cordialement la bienvenue à toi et à ceux qui t’accompagnent.

Alonzo.

Es-tu Prospero ? ne l’es-tu pas ? N’es-tu qu’un vain enchantement dont je doive être abusé comme je l’ai été tout à l’heure ? Je n’en sais rien. Ton pouls bat comme celui d’un corps de chair et de sang ; et depuis