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LA TEMPÊTE.

C’est une piètre chanson à chanter aux funérailles d’un homme. Bien, bien, voici qui me réconforte.

(Il boit.)

Le maître, le balayeur, le bosseman et moi,
Le canonnier et son compagnon,
Nous aimions Mall, Meg, et Marion et Marguerite ;
Mais aucun de nous ne se souciait de Kate,
Car elle avait un aiguillon à la langue,
Et criait au marinier : Va te faire pendre !
Elle n’aimait pas l’odeur de la poix ni du goudron :
Cependant un tailleur pouvait la gratter où il lui démangeait.
Allons à la mer, enfants, et qu’elle aille se faire pendre !

C’est aussi une piètre chanson. Mais voici qui me réconforte.

(Il boit.)
Caliban.

Ne me tourmente point. Oh !

Stephano.

Qu’est ceci ? avons-nous des diables dans ce pays ? Vous accoutrez-vous en sauvages et en hommes de l’Inde pour nous faire niche ? Je ne suis pas réchappé de l’eau pour avoir peur ici de vos quatre jambes ? car il a été dit : L’homme le plus homme qui ait jamais cheminé sur quatre pieds ne le ferait pas reculer, et on le dira ainsi tant que l’air entrera par les narines de Stephano.

Caliban.

L’esprit me tourmente. Oh !

Stephano.

C’est là quelque monstre de l’île, avec quatre jambes. Celui-là, je m’imagine, aura gagné la fièvre. Où diable peut-il avoir appris notre langue ? Ne fût-ce que pour cela, je veux lui donner quelque secours. Si je puis le guérir et l’apprivoiser, et lui faire gagner Naples avec moi, c’est un présent digne de quelque empereur que ce soit qui ait jamais marché sur cuir de bœuf.

Caliban.

Ne me tourmente pas, je t’en prie ; je porterai mon bois plus vite à la maison.

Stephano.

Le voilà dans son accès maintenant ! il n’est pas des plus sensés dans ce qu’il dit. Il tâtera de ma bouteille : s’il n’a jamais encore goûté de vin, il ne s’en faudra guère que cela ne guérisse son accès. Si je