Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.
275
ACTE V, SCÈNE II.

beaucoup d’autres de la même volée, dont je vois raffoler ce siècle pétillant et mousseux. Ils ont pris seulement le ton du jour et les dehors de la courtoisie à la mode : c’est comme une collection de petites rubriques écumées çà et là, qui les mettent en vogue à tort et à travers, de par les jugements les plus évaporés et les plus éventés ; mais soufflez dessus seulement, en manière d’épreuve, et tout de suite ces bulles ont crevé.

(Un seigneur entre.)

le seigneur. — Mon seigneur, Sa Majesté s’est recommandée à vous par le jeune Osrick, qui lui a rapporté que vous l’attendiez dans cette salle. Il envoie savoir s’il vous plaît toujours de faire assaut avec Laërtes, ou si vous voulez prendre plus de délai.

hamlet. — Je suis constant dans mes résolutions ; elles suivent le bon plaisir du roi : ses convenances n’ont qu’à parler, les miennes sont prêtes à la réplique. Maintenant, ou dans un autre instant, pourvu que je sois aussi dispos qu’à présent.

le seigneur. — Le roi, la reine, tous vont venir.

hamlet. — Et ils seront les bienvenus.

le seigneur. — La reine désire de vous quelque compliment aimable pour Laërtes, avant de tomber en garde.

hamlet. — Elle me donne un bon conseil.

(Le seigneur sort.)

horatio. — Vous perdrez ce pari, mon seigneur.

hamlet. — Je ne crois pas. Depuis qu’il est parti pour la France, je me suis continuellement exercé ; avec l’avantage qu’il me fait, je gagnerai… Tu ne saurais croire combien tout va mal là, du côté de mon cœur. Mais, n’importe !

horatio. — Pourtant, mon bon seigneur…

hamlet. — C’est pure sottise, mais c’est une sorte de pressentiment qui troublerait peut-être une femme.

horatio. — Si votre âme éprouve quelque répugnance, obéissez-lui ; je préviendrai leur arrivée ici, et leur dirai que vous n’êtes pas bien disposé.

hamlet. — N’en fais rien ; nous bravons les augures