Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
ACTE III, SCÈNE IV.

se sont donné trop large carrière pour être supportés, et que Votre Grâce a eu à se dresser comme abri entre lui et une grande chaleur de colère. Je rentre en silence, ici même ; mais, je vous en prie, menez-le rondement.

la reine. — Je vous le garantis, ne craignez rien de ma part. Retirez-vous, je l’entends venir.

(Hamlet entre.)

hamlet. — Eh bien ! ma mère, de quoi s’agit-il ?

la reine. — Hamlet, tu as beaucoup offensé ton père.

hamlet. — Ma mère, vous avez beaucoup offensé mon père.

la reine. — Allons, allons, vous me répondez d’une langue oiseuse.

hamlet. — Allez, allez, vous m’interrogez d’une langue méchante.

la reine. — Comment ! Qu’est-ce donc, Hamlet ?

hamlet. — De quoi s’agit-il donc ?

la reine. — Avez-vous oublié qui je suis ?

hamlet. — Non, par la sainte croix, non, vraiment ! Vous êtes la reine, la femme du frère de votre mari… et,… plût au ciel que cela ne fût pas !… vous êtes ma mère.

la reine. — Eh bien ! je vais vous adresser des gens qui sauront vous parler.

hamlet. — Allons, allons, asseyez-vous ; vous ne bougerez pas ; ne sortez pas que je ne vous aie présenté un miroir, où vous pourrez voir le plus intime fond de vous-même.

la reine. — Que veux-tu faire ? tu ne veux pas m’assassiner ? Au secours ! au secours ! Holà !

polonius (derrière la tapisserie). — Qu’y a-t-il ? Holà ! au secours !

hamlet. — Qu’est-ce donc ? un rat [1] ! (Il donne un coup

  1. Le traducteur anglais des Histoires tragiques de Belleforest avait ajouté au récit ce cri de Hamlet, qui était ainsi devenu une donnée du sujet, et que Shakspeare ne pouvait se dispenser de reproduire ; mais comme il en a préparé l’explication et l’effet ! À la fin du premier acte, Hamlet a dit que la pièce était le piège où