Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
ACTE II, SCÈNE II.

Continuez, à présent.

polonius. — Devant Dieu ! mon seigneur, bien déclamé, avec bon accent et bon discernement !

le premier comédien. —

Bientôt il le trouve lançant des coups trop courts aux Grecs ; son antique épée, rebelle à son bras, demeure où elle tombe et désobéit au commandement. Inégal adversaire, Pyrrhus pousse à Priam ; dans sa rage, il frappe à côté ; mais rien qu’au sifflement et au vent de sa féroce épée, le père énervé tombe. Alors l’insensible Ilion, qu’on dirait ému par ce coup, s’affaisse sur sa base avec ses sommets enflammés, et, avec un hideux fracas, fait prisonnière l’oreille de Pyrrhus ; car voici : son épée qui allait s’abattant sur la tête, blanche comme le lait, du respectable Priam, sembla adhérer à l’air et s’y fixer. Pyrrhus donc, ainsi qu’un tyran en peinture, s’arrêta, et comme s’il eût été une personne neutre en présence de sa volonté et de ses intérêts, il ne fit rien. Mais comme nous voyons souvent, à l’approche de quelque orage, un silence dans les cieux, les nuées arrêtées, les hardis aquilons sans parole, et, au-dessous, le globe aussi muet que la mort, et tout à coup l’effroyable tonnerre déchirant toute la contrée ; ainsi, après cette pause de Pyrrhus, un réveil de vengeance le ramène à l’œuvre, et jamais les marteaux des Cyclopes ne tombèrent sur l’armure de Mars, forgée pour être mise à l’épreuve de l’éternité, avec moins de remords que l’épée sanglante de Pyrrhus ne tombe maintenant sur Priam. Hors d’ici, hors d’ici, toi, prostituée, ô Fortune ! Et vous tous, ô dieux ! assemblés en synode général, ôtez-lui son pouvoir ; brisez tous les rayons et toutes les jantes de sa roue, et faites-en rouler le moyeu arrondi sur la pente des collines du ciel, aussi bas que chez les démons !

polonius. — Ce discours est trop long.

hamlet. — Il ira chez le barbier en même temps que votre barbe. Je t’en prie, continue ; il lui faut quelque