Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

mon rang et aux sentiments où vous êtes, que je me retire en silence, ou que je réponde pour vous adresser d’amers reproches. Car, si je ne réponds pas, vous pourriez peut-être imaginer que ma langue, liée par l’ambition, consent par son silence à ce joug doré de la souveraineté, que vous voulez follement m’imposer ici. Et si, d’un autre côté, je vous reproche les offres que vous me faites, et qui me touchent par l’expression de votre fidèle attachement pour moi, j’aurai maltraité mes amis…. Pour vous répondre donc et éviter ce premier inconvénient, et ne pas tomber, en m’expliquant, dans le second, voici définitivement ma réponse. Votre amour mérite mes remerciements ; mais mon mérite, qui n’est d’aucune valeur, se refuse à de si hautes propositions. D’abord, quand tous les obstacles seraient écartés, et que le chemin au trône me serait aplani, quand il me reviendrait comme une succession ouverte, et par les droits de ma naissance, telle est la pauvreté de mes talents, et telles sont la grandeur et la multitude de mes imperfections, que je chercherais à me dérober à mon élévation, frêle barque que je suis, peu faite pour affronter une mer puissante, plutôt que de m’exposer à me voir caché sous ma grandeur, et englouti dans les vapeurs de ma gloire. Mais, Dieu merci, on n’a pas besoin de moi ; et je répondrais bien peu à votre besoin, si c’était à moi à vous secourir. La tige royale nous a laissé un fruit royal, qui, mûri par les heures que nous dérobe le temps, sera digne de la majesté du trône, et nous rendra, je n’en doute point, tous heureux sous son règne. C’est sur lui que je dépose ce que vous voudriez placer sur moi, ce qui lui appartient par les droits de sa naissance, et par son heureuse étoile.― Et Dieu me préserve de vouloir le lui ravir.

Buckingham. ― Milord, c’est une preuve des délicatesses de la conscience de Votre Grâce ; mais ses scrupules sont frivoles et sans importance, dès qu’on vient à bien considérer les choses. Vous dites qu’Édouard est le fils de votre frère : nous en convenons avec vous ; mais il n’est pas né de l’épouse légitime d’Édouard ; car celui-