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Buckingham. ― Lord Dorset, suis-je aussi pâle que les autres ?

Dorset. ― Oui, mon bon lord ; et il n’est personne dans cette assemblée dont les joues n’aient perdu leur couleur.

Le roi Édouard. ― Est-il vrai que Clarence soit mort ? ― L’ordre avait été révoqué.

Glocester. ― Mais le pauvre malheureux a été mis à mort sur le premier ordre, il avait été porté sur les ailes de Mercure ; le second ordre est arrivé lentement par quelque messager boiteux survenu trop tard, et seulement pour le voir ensevelir.― Dieu veuille que quelqu’un, moins noble et moins fidèle que Clarence, moins proche du roi par le sang, mais d’un cœur plus sanguinaire, et cependant encore exempt de soupçons, n’ait pas mérité bien pis que le malheureux Clarence !

(Entre Stanley.)

Stanley. ― Une grâce, mon souverain, pour tous mes services.

Le roi Édouard. ― Je t’en prie, laisse-moi : mon âme est pleine de douleur.

Stanley. ― Je ne me relève point que Votre Majesté ne m’ait entendu.

Le roi Édouard. ― Dis donc en peu de mots ce que tu demandes.

Stanley. ― La grâce, mon souverain, d’un de mes serviteurs qui a tué aujourd’hui un gentilhomme querelleur, depuis peu attaché au duc de Norfolk.

Le roi Édouard. ― Ma langue aura prononcé l’arrêt de mort de mon frère, et l’on veut que cette même langue prononce le pardon d’un valet ? Mon frère n’avait tué personne : son crime ne fut qu’une pensée ; et cependant il a été puni par une mort cruelle. Qui de vous m’a sollicité pour lui ? Qui, dans ma colère, s’est jeté à mes pieds, et m’a engagé à réfléchir ? Qui m’a parlé des liens fraternels ? Qui m’a parlé de notre affection ? Qui m’a rappelé comment le pauvre malheureux avait abandonné le puissant Warwick, et avait combattu pour moi ? Qui m’a rappelé que dans les champs de Tewksbury, lorsque