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dignité à son récit, en se contentant de
copier ce qui est écrit en vous, sans gâter ce que la nature a rendu si
visible ; et cette copie fera honneur à son esprit et vaudra partout à
son style des éloges. Vous ajoutez une malédiction à toutes vos beautés
et à tous vos dons, vous aimez à être loué, ce qui ne vaut rien pour

votre louange.



Ma muse a la langue liée ; mais, par décence, elle reste en repos, tandis

que des commentaires, à votre honneur, soigneusement compilés, sont
conservés en lettres d’or dans des phrases revues par toutes les muses.
Je médite de bonnes pensées, pendant que d’autres écrivent de bonnes
paroles, et, comme un chantre illettré, je réponds « Amen ! » à toutes les
hymnes que produit cet habile esprit, sous une forme soignée avec une
plume raffinée. En vous entendant vanter, je dis « c’est bien cela, c’est
vrai ; » et à tous ces éloges j’ajoute quelque chose de plus, mais c’est,
dans mes pensées, là où l’amour pour vous tient son rang comme par le
passé, en dépit des paroles qui viennent les dernières ; faites donc cas
des autres pour leur éloquence et paroles, faites cas de moi pour mes

pensées muettes, qui ne parlent qu’en actions.


Sonnets
LXXXVI
Est-ce l’élan impétueux de ces grands vers, lancés à pleines voiles,

pour arriver jusqu’à une prise trop précieuse, jusqu’à vous, qui a
renfoncé dans mon cerveau les pensées que j’y avais mûries, leur donnant
pour tombeau le sein où elles avaient grandi ? Était-ce son esprit,
instruit par les esprits à écrire au-dessus de la portée des mortels,
qui m’a frappé de mort ? Non, ce n’est ni lui, ni les compères qui lui
prêtent la nuit leur concours qui ont glacé mes vers. Ce n’est ni lui,
ni cet esprit affable et familier qui, toutes les nuits, le rassasie
d’intelligence, qui peuvent se vanter de m’avoir imposé silence, je n’ai
souffert d’aucune terreur venue de là. Mais, lorsque vous lui avez prêté
votre concours pour perfectionner ses vers, mon sujet m’a manqué, les

miens en ont été affaiblis.


Sonnets
LXXXVII
Adieu ! tu es trop précieux pour que je te possède, et il est probable

que tu sais ta valeur. La charte de ton mérite t’assure