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S’il n’y a rien de nouveau, mais que ce qui est ait déjà existé

auparavant, comme nos cerveaux sont trompés lorsqu’ils sont en travail
d’invention et qu’ils enfantent tout de travers pour la seconde fois un
enfant qui a déjà vécu ! O si l’histoire pouvait jeter un coup d’œil en
arrière, seulement sur cinq cents révolutions du soleil, et me montrer
votre image dans quelque livre antique depuis que l’esprit a pour la
première fois été reproduit par des caractères, afin que je pusse voir
ce que le vieux monde pourrait dire de cette merveille composite de
votre nature, et savoir si nous avons fait des progrès, s’ils valaient
mieux que nous, ou si les révolutions étaient les mêmes. Ah ! je suis
bien sûr que les beaux esprits des temps passés ont admiré et vanté des

choses de moins de mérite.


Comme les vagues s’avancent vers la plage couverte de cailloux, de même

nos minutes marchent à leur terme. Chacune changeant de place avec celle
qui la précède, toutes tendent en avant dans leur travail successif ; un
enfant qui vient de naître, une fois lancé dans la mer de lumière, rampe
jusqu’à la maturité, et une fois qu’il en est couronné, des éclipses
tortueuses luttent contre son éclat, et le temps, qui l’avait donné,
détruit bientôt ses dons. Le temps disperse la fleur de la jeunesse,
creuse ses parallèles sur le front de la beauté, se nourrit des raretés
de la fidèle nature, et tout ce qui subsiste attend les coups de sa
faux. Et cependant dans un temps qui n’existe encore qu’en espérance,
mes vers subsisteront, à l’éloge de ton mérite, en dépit de sa main

cruelle.


Est-il selon ton bon plaisir que ton image tienne mes pesantes paupières

ouvertes pendant de longues nuits ? Veux-tu que mon sommeil soit troublé
pendant que des ombres qui te ressemblent abusent mes regards ? Est-ce
ton esprit que tu envoies si loin de toi, pour épier ce que je fais,
pour découvrir chez moi des heures oisives, des sujets de honte, raisons
et prétextes de ta jalousie ! Oh non, ton amour est grand, mais il n’est
pas assez grand pour cela ; c’est mon amour qui me tient les yeux
ouverts, c’est mon fidèle amour qui trouble mon