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Pourquoi m’as-tu promis une si belle journée et m’as-tu fait sortir sans

mon manteau, pour permettre ensuite à de vils nuages de me rejoindre par
le chemin, et de cacher ton éclat sous leur épaisse fumée ? Il ne me
suffit pas que tu perces à travers le nuage pour sécher la pluie sur mon
visage battu par l’orage, car personne ne peut bien parler d’un baume
qui guérit la plaie sans parer à l’ignominie ; tes regrets ne remédient
pas à mon chagrin, tu te repens, mais la perte reste mienne, la douleur
de l’offenseur n’apporte qu’un faible soulagement à celui qui porte la
croix d’une grande injure. Ah ! mais les larmes que répand ton amour sont
des perles, elles sont précieuses et payent la rançon de toutes tes

mauvaises actions.


Ne te chagrine plus de ce que tu as fait, les roses ont des épines et

les fontaines argentées de la vase, les nuages et les éclipses voilent
le soleil et la lune, et des vers hideux dévorent les plus beaux
boutons. Tous les hommes commettent des fautes, et moi-même j’en commets
une ici, en autorisant tes fautes par des comparaisons, en me corrompant
moi-même, en palliant tes torts, en excusant tes péchés plus que tes
péchés ne le rendent nécessaire, car j’apporte un sens à ta faute
sensuelle (ton adverse partie devient ton avocat), et je commence contre
moi-même un légitime plaidoyer ; mon amour et ma haine se font une guerre
civile si acharnée que je suis contraint de devenir complice de cet

aimable voleur qui me vole si méchamment


Laisse-moi avouer que nous devons rester deux, bien que notre amour

indivisible ne soit qu’un, afin que je puisse porter tout seul et sans
ton secours les défauts qui me restent. Dans nos deux amours, il n’y a
qu’un seul respect, mais il y a dans nos vies une humeur qui nous
sépare, qui n’altère pas l’unique effet de l’amour mais dérobe de douces
heures aux joies de l’amour. Je ne puis pas toujours te reconnaître, de
peur que les fautes que je pleure ne te fassent honte ; tu ne peux pas
toujours m’honorer publiquement de tes bontés, de peur d’enlever cet
honneur à ton nom, mais ne le fais pas, je t’aime