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Quand je regarde l’horloge qui indique les heures, et que je vois le

jour brillant disparaître dans la nuit hideuse ; quand je vois la
violette perdre sa fraîcheur, et des cheveux noirs argentés de lignes
blanches ; quand je contemple de grands arbres dépouillés de feuilles,
eux qui jadis défendaient les troupeaux contre la chaleur ; quand je vois
toute la verdure recueillie en gerbes, et emportée sur des brancards
avec une barbe blanche et hérissée, alors je me demande ce que deviendra
ta beauté, puisque toi aussi tu dois tomber parmi les dépouilles du
temps, puisque les charmes et la beauté renoncent à eux-mêmes et meurent
dès qu’ils en voient d’autres grandir, et que rien ne peut résister à la
faux du Temps, si ce n’est la postérité qui le bravera lorsqu’il te

retranchera de la terre.


O si vous étiez vous-même ! Mais, bien-aimée, vous n’êtes à vous que tant

que vous vivrez ici-bas. Vous devriez vous préparer à cette fin qui vous
menace, et donner à quelque autre votre douce ressemblance. Alors cette
beauté que vous tenez à bail ne connaîtrait point de terme ; alors vous
resteriez vous-même, après votre décès, lorsque votre belle postérité
reproduirait votre belle image. Qui pourrait laisser une si noble
demeure tomber en ruine, lorsque les soins pourraient la maintenir en
honneur malgré les orages et les vents des jours d’hiver, malgré la rage
stérile des frimas éternels de la mort ? Oh ! personne ! sinon de mauvais
administrateurs. Mon cher amour, vous savez que vous avez eu un père,

que votre fils en dise autant.


Ce n’est pas aux étoiles que j’emprunte ma manière de voir, et cependant

je crois que j’entends l’astronomie, non pour prédire la bonne ou la
mauvaise chance, les pestes, les famines, ou les incidents de la saison ;
je ne sais pas non plus prévoir la fortune à un moment près, fixer pour
chaque minute le tonnerre, la pluie ou le vent, ou dire si les princes
se porteront bien par des prédictions que je lis dans le ciel, mais je
trouve ma science dans tes yeux, et je lis dans les étoiles fixes avec
assez d’art pour prédire que la beauté et la fidélité poursuivront