si tu ne pourvois pas
maintenant à le réparer plus tard, tu trompes le monde, tu laisses une
mère sans bénédiction ; car où est la belle dont le sein stérile dédaigne
la culture du laboureur ? où est l’homme assez fou pour servir de tombeau
à son amour-propre pour arrêter la postérité ? Tu es le miroir de ta
mère, en te voyant elle retrouve le bel avril de son printemps ; de même
à travers les fenêtres de ta vieillesse, tu reverras ton âge d’or au
mépris des rides. Mais si tu vis pour qu’on oublie, meurs fille, et ton
charmes ? Les legs de la nature ne donnent rien ; elle prête, et comme
elle est fraîche, elle prête à ceux qui sont libres. Belle avare,
pourquoi abuses-tu des largesses qu’elle t’a faites pour les donner à
d’autres ? usurière sans profits, comment emploies-tu une somme si
immense sans venir à bout de vivre ? Tu n’as commerce qu’avec toi-même,
tu te trompes donc toi-même ? Eh quoi ! lorsque la nature t’appellera à
rendre l’esprit, quels comptes satisfaisants pourras-tu laisser derrière
toi ? Ta beauté inutile sera enterrée avec toi ; si tu l’avais employée,
attire tous les yeux, joueront envers lui le rôle de tyrans et
détruiront ces perfections adorables, car le temps ne s’arrête jamais,
il mène l’été jusqu’à l’hiver odieux, et là le confond : la sève est
arrêtée par la gelée, les feuilles vertes sont tombées, les beautés sont
couvertes de neige, la stérilité règne partout ; alors si l’essence de
l’été ne demeurait pas captive comme un prisonnier liquide dans des murs
de verre, les effets de la beauté disparaîtraient avec la beauté, elle
n’existerait plus et il n’en resterait aucun souvenir ; mais les fleurs
distillées, lors même que l’hiver les atteint, ne perdent que leur éclat
avant que tu sois distillée ; parfume quelque flacon,