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naissances, il suffit de te connaître ; la langue qui sait te louer est assez savante ; l’esprit qui te voit sans admiration n’est qu’ignorance, et c’est quelque honneur pour moi que d’admirer tes facultés. Ton œil me semble lancer les éclairs de Jupiter ; son redoutable tonnerre est dans ta voix, qui est toute musicale et d’une douce ardeur lorsqu’elle n’est pas animée par la colère. Céleste comme tu l’es, oh ! ne sois pas indignée d’entendre chanter les louanges des cieux d’une voix si humaine.

IV

A peine le soleil avait-il séché l’herbe couverte de rosée, à peine les troupeaux s’étaient-ils abrités sous les haies, que Cythérée tout éperdue d’amour, vint impatiemment attendre Adonis sous un saule croissant au bord d’un ruisseau, ruisseau où Adonis avait coutume de se rafraîchir. Le temps était chaud, mais elle était plus ardente encore en attendant l’approche de celui qui était souvent venu en ce lieu. Il arrive enfin et jetant son manteau, il se trouve nu sur la rive verdoyante du ruisseau ; le soleil contemplait le monde d’un œil éclatant mais moins ardent que celui de la reine ; lui, l’apercevant, s’élance dans l’eau, et s’y arrête. O Jupiter, s’écrie-t-elle, pourquoi ne suis-je pas un ruisseau !

V

Celle que j’aime est belle, mais elle n’est pas si belle qu’inconstante ; elle est douce comme une colombe, mais elle n’est ni sûre ni fidèle ; elle est plus transparente que le verre, mais tout aussi fragile que le verre ; elle est plus molle que la cire, mais elle est rouillée comme le fer ; c’est un pâle lis avec une nuance de pourpre pour l’embellir ; nulle n’est plus belle, nulle n’est plus perfide qu’elle.

Combien de fois ses lèvres ne se sont-elles pas collées aux miennes, proférant entre chaque baiser des serments d’amour et de fidélité ! Combien de contes a-t-elle faits pour me plaire, redoutant mon amour et craignant de le perdre ! Cependant au milieu de toutes ces protestations de pureté, sa foi, ses serments, ses larmes, tout cela n’était que des paroles. Elle brûlait d’amour comme la paille s’enflamme au feu ; elle et son amour s’éteignaient aussi vite que brûle la paille ; elle inventait l’amour, et elle déjouait ses inventions ; elle ordonnait à l’amour de subsister, et puis elle changeait aussitôt. Était-ce une amante ou une femme débauchée ? elle ne valait rien pour le meilleur des deux, et n’excellait ni dans l’un ni dans l’autre métier.

VI

Si la musique et la douce poésie se conviennent, ce qui doit être, puisqu’ils sont frère et sœur, l’amour devrait être