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I

La céleste rhétorique de tes yeux, contre lesquels le monde ne pourrait se défendre, n’a-t-elle pas invité mon cœur à ce lâche parjure ? Des vœux rompus à cause de toi ne méritent pas un châtiment. J’ai manqué à mes engagements envers une femme, mais je prouverai que je n’ai pas manqué à mes engagements envers toi, parce que tu es une déesse ; mon serment était terrestre, tu es un amour céleste ; ta grâce, une fois que je la possède, guérit chez moi tous les torts. Mon serment n’était qu’un souffle, un souffle est une vapeur, ainsi donc, beau soleil, toi qui brilles sur cette terre, dissipe ce serment vaporeux, il est en ton pouvoir ; si je manque, ce ne sera donc plus ma faute. Si je manque, quel fou ne serait assez sage pour perdre son serment afin de gagner un paradis ?

II

La douce Cythérée, assise près d’un ruisseau avec le jeune Adonis charmant, pur et frais, fit la cour à cet enfant par des regards séduisants, des regards comme la reine de la beauté peut seule en lancer. Elle lui racontait des histoires pour enchanter ses oreilles ; elle lui accordait des faveurs pour gagner ses yeux ; pour amollir son cœur elle le touchait de la main, et cette main légère sait triompher de la chasteté ; mais soit que sa grande jeunesse ne comprît pas ce qu’elle voulait, ou qu’il refusât d’accepter ce qu’elle lui offrait, l’aimable proie ne voulut pas mordre à l’hameçon, et souriait et plaisantait à chacune de ses offres gracieuses ; alors la belle reine tomba par terre sur le dos ; il était près d’elle, il se leva et s’enfuit, ô fou insensé !

III

Si l’amour me rend parjure, comment pourrai-je prêter serment à l’amour ? jamais foi n’a été gardée lorsqu’elle n’était pas jurée à la beauté ; je suis parjure envers moi-même, mais je le resterai fidèle ; les pensées qui sont pour moi comme des chênes se pliaient devant toi comme de l’osier. L’étude abandonne ses goûts et prend tes yeux pour levier, tous les plaisirs que l’on peut imaginer y éclatent. S’il s’agit de con-