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hommage de désirs pensifs et soumis : la nature m’ordonne de ne pas les entasser en avare, mais de les donner à celle qui m’a dompté. C’est à vous, mon origine et ma fin. Ces oblations sont nécessairement à vous, puisque vous êtes ma patronne, à moi qui suis leur autel.

XXX. — Avancez donc cette main qu’aucune phrase ne saurait louer, cette main dont la blancheur fait pencher la balance éthérée de l’éloge : disposez de toutes ces images sanctifiées par des soupirs que poussaient jadis des cœurs ardents ; moi, qui suis votre serviteur pour vous obéir et travailler sous vos ordres, je vous remets ces paquets divers que j’ai réunis.

XXXI. — Voici, cet objet charmant me vient d’une nonne, ou d’une sainte sœur de la plus pure renommée : jadis elle fuyait à la cour les nobles qui la recherchaient, elle dont les talents si rares charmaient la fleur de la chevalerie : les plus brillants esprits lui adressaient leurs hommages, mais elle restait froide et silencieuse, et elle a fini par s’éloigner pour passer sa vie au sein de l’amour éternel.

XXXII. — Mais, ô ma chérie, est-il pénible de quitter ce que nous n’avons pas, et de vaincre ce qui ne résiste pas ? Est-il difficile de barricader une citadelle qui n’a-point d’assaillant et de se jouer dans des entraves à peine serrées ? Celle qui cherche ainsi à assurer sa renommée se met par la fuite à l’abri de toute créature ; elle se montre vaillante par son absence, non par son courage.

XXXIII. — O pardonne-moi, mais j’ai le droit de me vanter ; l’accident qui m’amena devant elle fut en un instant vainqueur de toute son énergie : elle voudrait fuir le cloître où elle est emprisonnée ; l’amour religieux a éteint la flamme de la religion ; elle a voulu être murée pour fuir la tentation, et maintenant elle voudrait la liberté pour pouvoir être tentée.

XXXIV. — O laissez-moi vous dire combien vous êtes puissante ! Les cœurs brisés qui m’appartiennent ont vidé dans mon puits toutes leurs fontaines, et je répands le mien dans votre Océan. J’ai été plus fort qu’elle, et vous êtes plus forte que moi, réunissez-nous tous ensemble pour votre victoire, et que ce remède soit salutaire pour votre cœur glacé.

XXXV. — J’ai eu le pouvoir de charmer un soleil sacré, discipliné et apaisé par la grâce : il crut que ses yeux triompheraient en donnant l’assaut, et que tous les vœux lui céderaient la place. O Amour tout-puissant : ni les vœux, ni les liens, ni l’espace ne peuvent te combattre ; ils n’ont ni aiguillon, ni