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jours et inondent ses joues ; un seul doux baiser acquittera cette dette immense.

XV. — A cette promesse il lève la tête, tel qu’une poule d’eau qui apparaît entre deux vagues, mais qui disparaît tout aussitôt dès qu’on la regarde. C’est ainsi qu’il offre de lui accorder ce qu’elle demande ; mais au moment où ses lèvres sont prêtes à accepter le payement, il cligne l’œil et tourne ses lèvres d’un autre côté.

XI. — Jamais voyageur, dans les ardeurs de l’été, ne soupira davantage après un peu d’eau, qu’elle ne soupirait après cette faveur. Elle voit ce qu’elle désire et ne peut l’obtenir ; elle se baigne dans la rivière et son feu ne s’éteint pas. « Oh ! par pitié, s’écrie-t-elle, enfant au cœur de pierre, ce n’est qu’un baiser que je demande, pourquoi es-tu si timide ?

XVII. — J’ai été suppliée comme je te supplie maintenant, même par le farouche et cruel dieu de la guerre, dont la tête superbe ne fléchit jamais dans les combats, et qui triomphe partout où il va, dans toutes les querelles ; cependant il fut mon captif et mon esclave, et il a mendié ce que tu obtiendras sans l’avoir demandé.

XVIII. — Sur mes autels il a déposé sa lance, son bouclier entaillé, son cimier triomphant ; pour l’amour de moi il apprit à jouer et à danser ; il apprit à folâtrer, à s’amuser, à badiner, à sourire, à plaisanter, méprisant son grossier tambour, ses rouges enseignes, faisant de mes bras son champ de bataille et sa tente de mon lit.

XIX. — Ainsi, je triomphai du conquérant et je le tins captif dans des chaînes de roses. L’acier le mieux trempé obéissait à la force de son bras, cependant il fut soumis par ma réserve et mes dédains. Oh ! ne sois pas trop fier ; ne te vante pas de ta puissance, parce que tu gouvernes celle qui dompta le dieu des batailles !

XX. — Touche seulement mes lèvres avec les tiennes (elles sont si belles ; quoique les miennes ne soient pas si belles, elles sont vermeilles aussi) : le baiser t’appartiendra aussi bien qu’à moi. Que vois-tu par terre ? relève la tête, regarde dans mes yeux où ta beauté se réfléchit. Pourquoi donc tes lèvres ne s’attachent-elles pas aux miennes, puisque tes yeux se réfléchissent dans les miens ?

XXI. — As-tu honte d’un baiser ? Eh bien, ferme les yeux, je ferai comme toi ; le jour nous semblera la nuit ; l’amour tient ses fêtes là où l’on n’est que deux : sois donc plus hardi, nos ébats n’ont pas de témoins ; ces violettes bleues sur les-