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I. — Peine le soleil, au visage vermeil, avait-il reçu les derniers adieux de l’aurore en pleurs, qu’Adonis, aux joues roses, partit pour les bois. Il aimait la chasse, mais se moquait de l’amour. La mélancolique Vénus va droit à lui ; et, telle qu’un amant hardi, elle commence à lui faire la cour.

II. — Toi, qui es trois fois plus beau que moi-même, » dit-elle d’abord, « tendre fleur des campagnes, dont le parfum est sans égal ; toi, qui éclipses toutes les nymphes ; toi, plus aimable qu’un mortel, plus blanc que les colombes et plus vermeil que les roses, la nature qui t’a créé, en contradiction avec elle-même, dit que le monde finira avec ta vie !

III. — Consens, ô merveille, à descendre de ton coursier, et relie au pommeau de la selle les rênes qui enlacent sa tête orgueilleuse ! Si tu daignes m’accorder cette faveur, tu apprendras mille doux secrets : viens t’asseoir ici, où le serpent ne siffle jamais, et je t’accablerai de baisers.

IV. — Cependant je n’émousserai pas tes lèvres par la satiété ; je les rendrai encore plus avides au milieu de l’abondance, en les faisant pâlir et rougir tour à tour par une variété de caresses toujours renaissantes. Dix baisers seront aussi courts qu’un seul, et un seul aussi long que vingt ; un jour d’été ne te paraîtra qu’une heure rapide, perdu ainsi dans des jeux qui te feront oublier le temps. »

V. — Là-dessus, elle saisit sa main humide d’une moiteur qui indique la vigueur et l’énergie, et, tremblante de passion, elle l’appelle un baume, un remède souverain donné par la terre pour la guérison d’une déesse. Dans son délire, le désir lui donne la force et le courage d’arracher Adonis de son coursier.

VI. — Sur un de ses bras est la bride du vigoureux coursier, sur l’autre elle tient le faible enfant qui rougit et boude avec un triste dédain. Les désirs sont froids chez lui, il n’entend rien aux jeux de l’amour ; elle est brûlante et enflammée comme un charbon ardent ; il est rouge de honte, mais froid comme la glace.