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Anne. ― Plût à Dieu que je pusse connaître ton cœur !

Glocester. ― Ma langue vous le représente.

Anne. ― Je crains bien qu’ils ne soient faux tous deux.

Glocester. ― Il n’y eut donc jamais d’homme sincère.

Anne. ― Bien, bien ; reprenez votre épée.

Glocester. ― Dis donc que tu m’as pardonné.

Anne. ― Vous le saurez par la suite.

Glocester. ― Mais puis-je avoir de l’espérance ?

Anne. ― Tous les hommes l’ont : espère.

Glocester. ― Daigne porter cet anneau.

Anne. met l’anneau à son doigt.― Recevoir n’est pas donner.

Glocester. ― Vois comme cet anneau entoure ton doigt : c’est ainsi que mon pauvre cœur est enfermé dans ton sein. Use de tous deux, car tous deux sont à toi ; et si ton pauvre et dévoué serviteur peut encore solliciter de ta gracieuse beauté une seule faveur, tu assures son bonheur pour jamais.

Anne. ― Quelle est cette faveur ?

Glocester. ― Qu’il vous plaise de laisser ce triste emploi à celui qui a plus que vous sujet de se couvrir de deuil ; et d’aller d’ici vous reposer à Crosby où, dès que j’aurai solennellement fait inhumer ce noble roi dans le monastère de Chertsey, et arrosé son tombeau des larmes de mon repentir, j’irai vous retrouver encore avec un vertueux empressement. Pour plusieurs raisons que vous ignorez, je vous en conjure, accordez-moi cette grâce.

Anne. ― De tout mon cœur ; et j’ai bien de la joie de vous voir si touché de repentir.― Tressel, et vous, Berkley, accompagnez-moi.

Glocester. ― Dites-moi donc adieu ?

Anne. ― C’est plus que vous ne méritez : mais puisque vous m’instruisez à vous flatter, imaginez-vous que je vous ai dit adieu.

(Lady Anne sort avec Tressel et Berkley).

Glocester. ― Allons, vous autres, emportez ce corps.

Un des officiers. ― À Chertsey, noble lord ?

Glocester. ― Non, à White-Friars.― Et attendez-moi