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ACTE III, SCÈNE II.

WOLSEY. — Dieu le conserve ! CROMWELL. — La seconde, c’est que sir Thomas More est choisi lord chancelier à votre place. WOLSEY. — Cela est un peu précipité. — Mais c’est un homme instruit. Puisse-t-il jouir longtemps de la faveur de Sa Majesté, et rendre la justice pour l’honneur de la vérité et le repos de sa conscience, afin que, lorsqu’il aura terminé sa course et qu’il s’endormira dans le sein des félicités, ses cendres soient honorées d’un monument des larmes des orphelins ! Que dit-on encore ? CROMWELL. — Que Cranmer est de retour ; il a été très-bien reçu, et il est installé lord archevêque de Cantorbéry. WOLSEY. — Voilà des nouvelles en effet ! CROMWELL. — La dernière, c’est que lady Anne, que le roi a depuis longtemps épousée en secret, a été vue aujourd’hui publiquement avec tous les honneurs de reine, et l’on ne parle à présent que de son couronnement prochain. WOLSEY. — C’est là le poids qui a précipité ma chute. Oh ! Cromwell ! le roi m’a entièrement abandonné : en cette femme seule est allée se perdre toute ma gloire : le soleil n’annoncera plus ma puissance, et ne dorera plus de sa lumière la noble foule qui s’empressait pour attendre mes sourires. — Va, quitte-moi, Cromwell ; je ne suis plus qu’un pauvre disgracié, et indigne à présent d’être ton protecteur et ton maître. Va trouver le roi (je prie le ciel que cet astre ne s’éclipse jamais !), je lui ai dit qui tu es, et combien tu es fidèle ; il t’avancera. Un reste de souvenir de moi l’engagera (je connais son généreux naturel) à ne pas laisser périr aussi tes services si pleins d’espérances. Bon Cromwell, ne le néglige point : tires-en parti et pourvois à ta sûreté à venir. CROMWELL. — Ah ! milord, faut-il donc que je vous quitte ? Faut-il que j’abandonne un si bon, si généreux et si noble maître ? Soyez témoins, vous tous qui n’avez pas un cœur de fer, avec quelle douleur Cromwell se sépare de son maître. Le roi aura mes services ; mais mes prières seront à jamais, oui, à jamais pour vous.