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ACTE III, SCÈNE II.

et m’apparaîtraient sous les formes les plus effrayantes ; alors, de même qu’un rocher affronte la fureur des flots, mon devoir briserait les vagues de ce courant furieux, et conserverait inébranlable mon attachement pour vous. LE ROI HENRI. — C’est parler avec noblesse. — Retenez bien, milords, qu’il a un cœur loyal vous venez de le voir s’ouvrir devant vous. — (Remettant à Wolsey les papiers qu’il tenait dans sa main.) Lisez ceci, et ensuite ceci puis vous irez déjeuner avec tout ce qu’il vous restera d’appétit.

(Le roi sort, en lançant un regard de courroux sur le cardinal. — Les lords se pressent sur ses pas et le suivent, en se parlant tout bas et en souriant.)

WOLSEY. — Que signifie ceci ? d’où vient ce courroux inattendu ? Comment me le suis-je attiré ? Il m’a quitté avec un regard menaçant, comme si ma ruine s’élancait de ses yeux. Tel est le regard que lance le lion furieux sur le chasseur téméraire qui l’a irrité, puis il l’anéantit. — Il faut que je lise ce papier qui m’apprendra, je le crains bien, le sujet de sa colère. Oh ! c’est cela, ce papier m’a perdu ! — Voilà l’état de tout cet amas de richesses que j’ai amoncelées pour mes vues, pour gagner la papauté, et pour soudoyer mes amis dans Rome. O négligence qui n’était permise qu’à un imbécile ! Quel démon ennemi m’a fait mêler cet important secret au paquet que j’envoyais au roi ? — N’y a-t-il donc point de remède à cette imprudence ? Nul expédient nouveau pour lui retirer cette pensée de la tête ? Je vois bien qu’elle l’émeut violemment. — Cependant je sais un moyen qui, bien employé, peut, en dépit de la fortune, me tirer encore d’affaire. — Quel est cet autre papier ? (Il lit l’adresse.) Au pape. Quoi ! sur ma vie, la lettre que j’adressais à Sa Sainteté, et où je lui faisais part de toute l’affaire ! Puisqu’il en est ainsi, adieu. J’ai atteint le faîte de mes grandeurs, et, de ce plein midi de ma gloire, je me précipite maintenant vers mon déclin : je tomberai, comme une brillante exhalaison du soir, et personne ne me reverra plus.

(Rentrent les ducs de Norfolk et do Suffolk, le comte de Surrey et le lord chambellan.)