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HENRI VIII.

pour examiner cette importante affaire. — Mon cher Wolsey, ayez soin que tout ce qui est nécessaire s’y trouve disposé. — O milord ! quel homme capable de sentiment ne serait pas affligé de quitter une si douce compagne ? mais la conscience, la conscience ! Oh ! c’est une partie bien délicate ! — Et il faut que je la quitte !

(Ils sortent.)

SCÈNE III

Une antichambre des appartements de la reine.
Entrent ANNE BOULEN et UNE VIEILLE DAME.

ANNE. — Ni à ce prix non plus. — Voilà ce qui blesse le cœur : Sa Majesté a vécu si longtemps avec elle et elle est si vertueuse, que jamais une seule voix n’a pu l’accuser. — Sur ma vie, elle n’a jamais su ce que c’est que de faire le mal. — O Dieu ! après avoir vu sur le trône tant de soleils achever leur cours, toujours croissant en grandeur et en majesté il est dix mille fois plus douloureux de quitter cette gloire, qu’il n’y a de douceur à l’acquérir !… Après une telle suite d’années la rejeter, c’est une pitié à émouvoir un monstre. LA VIEILLE DAME. — Aussi les cours les plus durs s’attendrissent et déplorent son sort. ANNE. — O volonté de Dieu ! il vaudrait mieux qu’elle n eût jamais connu la grandeur. Quoique la grandeur soit temporelle, cependant si dans cette bagarre, la fortune vient à la séparer de celui qui en était revêtu, c’est une angoisse aussi cruelle que la séparation de l’âme et du corps. LA VIEILLE DAME. — Hélas ! pauvre dame ! la voilà redevenue étrangère. ANNE. — On doit la plaindre d’autant plus. Je le jure avec vérité, il vaut mieux être né en bas lieu et se trouver au nombre de ceux qui viven t contents dans l’obscurité, que de se voir élevé dans d’éclatantes afflictions, et revêtu d’une tristesse dorée.