Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/170

Cette page n’a pas encore été corrigée
168
HENRI VIII.

treprend ! et avec quel zèle ! Maintenant qu’il a rompu l’alliance formée entre nous et l’empereur, le puissant neveu de la reine, il s’insinue dans l’âme du roi ; y répand les doutes, les alarmes, les remords de conscience, les craintes, les désespoirs, et tout cela à propos de son mariage ; et ensuite pour l’en délivrer, il lui conseille le divorce, il lui conseille la perte de cette femme, qui, comme un joyau-précieux, a été vingt années suspendue à son cou, sans rien perdre de son lustre ; de celle qui l’aime de cet amour parfait dont les anges aiment les hommes de bien ; de celle qui, même lorsque le plus grand revers de fortune l’accablera, bénira encore le roi : n’est-ce pas là une œuvre pieuse ? LE CHAMBELLAN. — Le Ciel me préserve de prendre part à tout cela ! Il est vrai que cette nouvelle est répandue partout. Toutes les bouches la répètent, et tous les cœurs honnêtes en gémissent. Tous ceux qui osent pénétrer dans ces mystères en voient le grand but, la sœur du roi de France. Le Ciel ouvrira un jour les yeux du roi, qui se laisse depuis si longtemps endormir sur cet homme audacieux et pervers. SUFFOLK. — Et nous délivrera de son esclavage. NORFOLK. — Nous aurions grand besoin de prier, et avec ferveur, pour notre prompte délivrance, ou de princes que nous sommes, cet homme impérieux viendra à bout de faire de nous ses pages : toutes nos dignités sont là devant lui comme une masse indistincte, qu’il façonne à sa guise. SUFFOLK. — Quant à moi, milords, je ne l’aime, ni ne le crains ; voilà ma profession de foi comme j’ai été fait ce que je suis sans lui, sans lui je me maintiendrai si le roi le trouve bon. Ses malédictions me touchent autant que ses bénédictions : ce sont des paroles auxquelles je ne crois point. Je l’ai connu, et je le connais, et je l’abandonne à celui qui l’a élevé de cette sorte, au pape. NORFOLK. — Entrons, et cherchons, par quelque autre préoccupation, à distraire le roi de ces tristes réflexions qui prennent trop d’empire sur lui. — Milord, voulez-vous nous accompagner ?