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Glocester. ― Il est encore plus prodigieux de voir un ange se mettre ainsi en colère.― Souffrez, divine perfection entre les femmes, que je puisse me justifier en détail de ces crimes supposés.

Anne. ― Souffre plutôt, monstre d’infection entre tous les hommes, que, pour ces crimes bien connus, je maudisse en détail ta personne maudite.

Glocester. ― Toi, qui es trop belle pour que des noms puissent exprimer ta beauté, accorde-moi avec patience quelques instants pour m’excuser.

Anne. ― Toi qui es plus odieux que le cœur ne peut le concevoir, il n’est pour toi d’autre excuse admissible que d’aller te pendre.

Glocester. ― Par un pareil désespoir je m’accuserais moi-même.

Anne. ― Et c’est par le désespoir que tu pourrais t’excuser, en faisant sur toi-même une juste vengeance de l’injuste carnage que tu fais des autres.

Glocester. ― Dites, si je ne les avais pas tués ?

Anne. ― Eh bien, alors ils ne seraient pas morts ! mais ils sont morts, et par toi, scélérat diabolique.

Glocester. ― Je n’ai point tué votre mari.

Anne. ― Il est donc vivant ?

Glocester. ― Non, il est mort ; il a été tué de la main d’Édouard.

Anne. ― Tu as menti par ton infâme gorge.― La reine Marguerite a vu ton épée meurtrière fumante de son sang, cette même épée que tu allais ensuite diriger contre elle-même, si tes frères n’en eussent écarté la pointe.

Glocester. ― Je fus provoqué par sa langue calomnieuse, qui chargeait de leur crime ma tête innocente.

Anne. ― Tu fus provoqué par ton âme sanguinaire, qui ne rêva jamais que sang et carnage.― N’as-tu pas tué ce roi ?

Glocester. ― Je vous l’accorde.

Anne. ― Tu l’accordes, porc-épic ? Eh bien, que Dieu m’accorde donc aussi que tu sois damné pour cette action maudite ! ― Oh ! il était bon, doux, vertueux.